Les zones à faibles émissions (Zfe) ont du (sans)plomb dans l’aile… Et à l’instar de la dissolution de l’Assemblée, le doute plane toujours, car la loi de Simplification, qui contient la suppression du dispositif, est pour l’instant au frigo.
Nul ne sait qui l’en sortira, ni quand. Point d’étape… ou de fin du voyage.
Par Me Antony Dutoit, avocat au Barreau de Paris (Antony Dutoit Avocat)
Avant l’été, la fin des Zfe était annoncée. C’était sans compter sur les démissions gouvernementales. Fin mars, un amendement du Groupe Droite Républicaine avait été déposé et adopté devant la commission chargée d’examiner le projet de loi. Cet amendement ajoutant un article au projet de loi de Simplification de la vie économique a proposé de supprimer les Zfe. Il était notamment motivé par le caractère discriminatoire de ces zones envers les ménages modestes.
Toujours fondé sur l’argument selon lequel les Zfe constituent une forme de «ségrégation sociale», les députés ont adopté ce texte lors de la séance publique du mercredi 28 mai puis lors du vote solennel du texte le 17 juin. Le texte a ensuite été transmis à la commission mixte paritaire et depuis, plus rien…
Tout ça pour ça !
Pour autant, la France n’est pas le seul pays à remettre en cause ce type de zone. En Allemagne aussi, au même titre que les Zfe chez nous, certaines villes ont instauré, depuis de nombreuses années, des zones environnementales : des «Umweltzonen». L’agence fédérale pour l’environnement, a constaté une chute des niveaux de dioxyde d’azote et de particules fines dans les villes concernées et en a tiré les conséquences. Depuis fin 2024, de nombreuses cités germaniques (Hanovre, Mannheim, Mühlheim, Ulm…) n’ont plus de zones à faibles émissions. Tout véhicule peut donc circuler dans ces villes et y stationner. On peut y voir une façon de récompenser l’effort collectif.
En France, Paris en tête, on a sans doute préféré accuser la voiture particulière de tous les maux pour mieux pouvoir lui faire la chasse. Les cars et les bateaux de tourisme continuent de circuler et de naviguer dans la capitale par voie terrestre ou fluviale pendant qu’on boute la voiture citadine avec sa vignette Crit’Air 3, que l’on investit dans la signalisation, dans les caméras….
Vingt-cinq agglomérations sont concernées. Pour la plupart, les zones à faibles émissions sont devenues des zones à faible consommation. En réduisant le trafic, nombreux commerçants déplorent la réduction de leur clientèle (voir ce sens le recours exercé contre la zone à trafic limité parisienne, ou Ztl, par L’Alliance du commerce et près de deux cents professionnels, commerçants, artisans). Certaines pourront rêver qu’en supprimant les Zfe, on redonne des couleurs aux échoppes de centre-ville, qu’on y ramène la vie, qu’on cesse de confondre la vie et les touristes. C’est sans compter sur le talent des élus. Nul doute qu’ils sauront imaginer un système plus compliqué et plus exclusif encore que les Zfe… Et ce, «quoi qu’il en coûte !».
Après l’Écotaxe en 2013, les Zfe seraient donc sur le point de disparaître ?
Pourtant, rien n’est encore fait, dès lors que l’amendement actant la suppression des Zfe adopté par l’Assemblée nationale n’emporte pas leur disparition tant que le texte définitif n’est pas validé. Le texte devait encore être soumis à la commission mixte paritaire (Cmp) qui aurait dû se réunir au début de l’automne pour trancher. Elle ne s’est pas tenue.
Deux gouvernements et deux démissions plus tard, ce texte ne semble plus être une priorité. L’agenda de la Cmp a entièrement été effacé. Le sujet n’y a toujours pas été réinscrit. Le nouveau-nouveau… gouvernement est désormais engagé dans le vote du budget 2026 et l’examen du texte pourrait bien être une nouvelle fois reporté.
Circulez, on simplifiera plus tard !
Et rien ne sera encore fini, si le texte supprimant notamment les Zfe est adopté, une saisine du Conseil constitutionnel est toujours possible.
Difficile de croire que l’on pourrait faire plus compliqué en voulant faire simple – et polluer davantage la vie des Français pour dépolluer leurs villes…
