Plus on avance, moins on avance… De réformes en simplifications, l’alignement du permis de construire sur l’autorisation d’exploitation commerciale n’y trouve pas son compte. Certes, le délai de validité de l’Aec passe de trois ans à sept ans après l’acquisition du caractère définitif du permis de construire. Mais, malheureusement, un trouble-fête vient gâter la sauce : la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux (Daact), qui, elle, contraint d’ouvrir les surfaces de commerce dans l’année qui suit. Sauf à tout perdre. C’est le rocher de Sisyphe : il faut s’accrocher !
Par Mes Delphine d’Albert des Essart avocate-associée et Adrien Reymond, avocat (Wilhelm&Associés)
A compter du 1er janvier 2025, l’article R. 752-20 du Code de commerce qui gouverne les délais de validité des autorisations d’exploitation commerciale (Aec) a été modifié de la façon suivante (voir tableau ci-dessous).
Une date butoir («au plus tard») est donc désormais fixée pour tous les projets : leurs Aec seront périmée 7 ans après l’acquisition du caractère définitif du permis de construire si elles n’ont pas été mises en œuvre (c’est-à-dire ouvertes au public). Plutôt une bonne nouvelle puisque tous les projets sont concernés lorsque l’ancien article R. 752-20 distinguait la durée de validité selon les dimensions des surfaces (+ 2 ans pour les + 2 500 m2 et + 4 ans pour les + 6 000 m2).
Mais une seconde date doit également être prise en considération : celle du dépôt en mairie de la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux (Daact), date à compter de laquelle les surfaces seront périmées si elles n’ont pas ouvert dans un délai d’un an. Autrement dit, le dépôt de la Daact implique ouverture au public des surfaces très rapidement.
Pourquoi une telle modification ?
Elle avait été annoncée le 5 mars 2024 au Conseil national du commerce (créé en avril 2023) et devait conduire à un alignement entre la durée de validité des permis de construire (voir l’article R. 424-17 du Code de l’urbanisme) et celle des Aec (article R. 752-20 du Code de commerce). Olivia Grégoire, alors ministre du Commerce, avait expliqué «qu’en cas de retard dans la livraison de commerces, notamment dans les projets mixtes commerces/logements, vous étiez contraints bien souvent à effectuer de nouvelles demandes d’exploitation commerciale avec des délais conséquents en cas de contentieux. Vous pouviez perdre l’Aec qui devenait caduque ; vous vous retrouviez avec votre permis de construire mais pas le droit d’exploiter, avec 4 à 7 ans d’attente.»
Si l’objectif était louable, le texte n’est pourtant pas limpide. Les réformes successives en matière d’aménagement commercial ont souvent promis une meilleure cohérence avec les réalités opérationnelles. Elles ont souvent déçu. S’agissant des projets nécessitant un permis de construire, elles ont, par exemple, fini par créer des délais de validité des autorisations d’exploitation commerciale (Aec) décorrélées des conditions pratiques de leur mise en œuvre.
Certes, les réformes ont pu les faire varier, en adoptant des allongements indispensables pour tenir compte de la taille des projets notamment. Elles n’ont cependant jamais modifié le point de départ qui a toujours été la date à laquelle le permis de construire est «devenu définitif». Et le nouveau texte n’y change rien, alors même que ce point de départ n’apparaît pas pertinent.
Il ajoute également à la confusion en mentionnant cette nouvelle date d’un an à compter du dépôt de la Daact. Ce décret n° 2024-1248 du 30 décembre 2024 entré en vigueur le 1er janvier 2025, n’est donc ni source de simplification ni source d’harmonisation puisqu’il maintient des délais de validité dissociés entre le permis de construire et l’autorisation d’exploitation commerciale (deux textes, deux codes, plusieurs dates à prendre en compte)
A cela s’ajoute la question de l’application de la loi dans le temps, ce nouvel article R. 752-20 ne s’appliquant qu’aux autorisations délivrées à compter du 1er janvier 2025 et non aux permis de construire valant Aec en cours de validité. Il est vrai que les opérateurs avertis sont coutumiers de ce type de changements de textes impromptus. A la lecture des propositions discutées dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique, ils doivent même le trouver anecdotique…
