Au moment où l’on discute de la loi sur la Simplification de la vie économique, rien n’est moins simple que l’obligation imposée par la loi sur l’Accélération de la production d’énergies renouvelables (Aper) d’installer des ombrières sur les parkings. Le décret lui-même n’arrange rien. Un recours contentieux en Conseil d’Etat a d’ailleurs été introduit par plusieurs organisations professionnelles, dont la Fact, l’Alliance, Procos, la Fcd… pour dénoncer les lacunes du texte. Notamment celles concernant l’impossible mixité : sauf à ce qu’un parking soit déjà couvert de 50 % d’arbres ou plus, il lui faudra – en plus – supporter 50 % d’ombrières photovoltaïques.
Par Me Marie-Anne Renaux, avocate-associée (Wilhelm&Associés)
A l’heure où l’administration Trump supprime un grand nombre de normes et de règlementations environnementales majeures, les errements de la mise en œuvre de l’article 40 de loi du 10 mars 2023 relative à l’Accélération de la production d’énergies renouvelables (Aper) apparaissent comme une parfaite illustration du caractère excessif et incohérent de certaines des contraintes imposées aux entreprises, dans ce domaine environnemental. Au moment de son adoption, ce texte a fait grand bruit dans le secteur de la grande distribution, puisqu’il impose d’équiper à terme les parcs de stationnement existants d’ombrières photovoltaïques, au moins sur la moitié de leur surface, pour répondre à l’objectif de lutte contre les îlots de chaleur urbaine.
Les propriétaires et gestionnaires de parking se mobilisent donc actuellement, puisque l’échéance à laquelle cette obligation s’imposera se rapproche dangereusement :
– à compter du 1er juillet 2026 pour les parcs de stationnement extérieurs d’une superficie supérieure à 10 000 m² ;
– à compter du 1er juillet 2028, pour les parkings présentant une superficie inférieure à 10 000 m², mais supérieure à 1 500 m².
Toutefois, à l’occasion de leurs démarches, nombre d’entre eux ont fait un curieux constat, s’agissant des possibilités de combiner un ombrage par la plantation d’arbres et par la mise en place d’ombrières photovoltaïques. En effet, parmi les dérogations prévues à l’obligation de mettre en place ces ombrières photovoltaïques figure l’hypothèse dans laquelle «le parc est ombragé par des arbres sur au moins la moitié de sa surface». Ce qui paraissait accréditer le principe d’une prise en compte des surfaces de parking déjà plantées d’arbres dans le calcul des surfaces à équiper d’ombrières.
Cependant, ils ont pu découvrir que c’est une interprétation beaucoup plus restrictive des dispositions de la loi Aper qui est actuellement retenue.
En effet :
– la proportion du parking planté d’arbres doit nécessairement atteindre 50 % pour valoir dispense à l’obligation d’implanter des ombrières photovoltaïques ;
– lorsque ce pourcentage n’est pas atteint, il reste nécessaire de mettre en place ces équipements techniques, sur la moitié du parking.
C’est ce qui est confirmé par le guide publié par le ministère de la Transition écologique qui précise que, lorsque le propriétaire opte pour une solution mixte, il doit concevoir l’ombrage de son parc de façon à pouvoir atteindre ultérieurement le seuil de 50 % d’ombrières «qui, seul, permettra de répondre aux obligations fixées à l’article 40 de la loi Aper» (Guide, p. 41).
L’incohérence de cette impossibilité de mixer les deux types d’ombrage a été relevée par plusieurs organisations représentatives des acteurs commerciaux et notamment par le Procos et la Fact, qui ont indiqué respectivement que :
– l’article 9 du projet de décret Aper ne permet une exonération que dans le cas où le parking dispose d’arbres sur 50 % de sa surface et uniquement d’arbres excluant l’éventuelle mixité avec du photovoltaïque ;
– un parc de stationnement «qui aurait ombragé son parking avec 20 % de panneaux photovoltaïques» sera «considéré comme non éligible à l’exonération prévue dans l’article 9… tant que 50 % du parking ne sera pas ombragé par les arbres» (Consultation du public sur le projet de décret portant application de l’article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables).
Or, ce refus de prise en compte de l’ombrage assuré par la plantation d’arbres, tant qu’il ne couvre pas la moitié du parking, apparaît d’autant plus incompréhensible que la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a prévu un encadrement différent, en cas de création de «nouveaux parcs de stationnement» de plus de 500 m², liés notamment à l’implantation de bâtiments commerciaux. Selon l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme issu de cette loi, obligation a également été faite aux porteurs de projets d’intégrer des dispositifs végétalisés ou des ombrières concourant à l’ombrage desdits parcs sur au moins la moitié de leur surface. Et ce, sans exclure la possibilité de recourir à un ombrage mixte.
Cette différence de régime entre les parkings neufs et ceux existants n’a pas manqué d’être relevée :
– par le Procos, qui a demandé à ce que «les solutions «mixtes» (arbres à canopée large et ombrières photovoltaïques) prévues pour le neuf (article 101 de la loi Climat et Résilience) puissent être prises en compte dans les exonérations pour les parcs existants» ;
– par le syndicat de l’Energie Solaire Renouvelable (Enerplan) qui a proposé «une solution mixte : le pourcentage non couvert par les arbres devra être couvert par des installations de production d’énergie renouvelable», en soulignant que «la volonté du législateur n’est probablement pas l’abattement d’arbres» (Consultation du public sur le projet de décret portant application de l’article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables).
Toutefois, aucune suite n’a été donnée pour le moment à ces propositions.
Au moment de la rédaction du décret du 13 novembre 2024 portant application de l’article 40 de la loi Aper, il a été indiqué qu’il n’appartenait pas au décret «de venir modifier ou d’atténuer l’obligation inscrite à l’article 40 de la loi Aper d’installer des ombrières Enr». Ce qui a notamment conduit un certain nombre d’acteurs du commerce et de la distribution à former un recours devant le Conseil d’Etat contre ce décret.
Les débats parlementaires sur le projet de loi de simplification de la vie économique n’ont pas non plus apporté de solution, lors de son examen à la fin de l’année 2024. Les amendements déposés, afin d’assurer la cohérence des obligations concernant les parcs de stationnement n’ont pas abouti. L’absurdité de la situation avait pourtant été dénoncée par le sénateur Michel Canévet, qui avait souligné que «tout nouveau parking (devenant) dès sa mise en exploitation, existant, il tombe ainsi sous le régime de l’article 40 et ne peut bénéficier de cette mixité, ce qui aboutira à la nécessité de supprimer des arbres qui viendront d’être plantés pour y installer des ombrières» (Amendement N° COM-277 du 24 mai 2024).
Reste à espérer qu’à la faveur de la nouvelle discussion de cette loi, un dispositif plus cohérent sera adopté puisqu’il s’agit de simplifier la vie économique… Rien n’est moins sûr ! En tout cas, un amendement proposant la suppression pure et simple des obligations issues de l’article 40 de la loi Aper, au regard des risques qu’elles entraînent pour de nombreux acteurs économiques, a d’ores et déjà été rejeté.
