En principe, il s’agit d’un cas particulier que celui du dépassement de surface autorisée de Grand Frais – Marie Blachère, à Plan-de-Campagne.
La zone commerciale massive du nord de Marseille dispose en effet d’une association de commerçants et d’un site Internet global. Mais il faut bien d’autres critères, déjà jugés, pour qualifier un périmètre de cette nature d’ensemble commercial. Reste qu’il faut attendre l’avis des magistrats de la cour d’appel, et au-delà, du Conseil d’Etat éventuellement. Et l’on sait combien ce genre de parcours peut réserver des surprises.
Par Me Gwenaël Le Fouler, avocate-associée (Letang Avocats)
Un ensemble commercial est constitué dès lors que plusieurs magasins de commerce de détail, réunis sur un même site, offrent une configuration favorisant leur fréquentation par une même clientèle ou pour lesquels la conception globale ou la gestion commune de l’exploitation ont permis ou permettent des économies d’échelle. L’article L 752-3 du Code de commerce en donne la définition précise.
Le tribunal administratif de Marseille (1) s’est prononcé au printemps dernier sur la notion d’unité de site. Il a considéré que les magasins Grand Frais et Marie Blachère exploités sur la commune des Pennes-Mirabeau, avec une surface totale de vente de moins de 1 000 m², étaient soumis à autorisation d’exploitation commerciale. En effet, leur situation en frange de la vaste zone commerciale de Plan-de-Campagne dans les Bouches-du-Rhône serait constitutive d’une extension de celle-ci. Ne généralisons pas. D’aucuns ont considéré ce jugement sévère. Ils ont craint par extension que tous les commerces exploités dans toutes les zones de France pourraient être soumis de la même manière à la notion d’ensemble commercial. Plan-de-Campagne, pour de multiples raisons, est un cas très particulier. Telle n’est certainement pas la portée qu’il faut donner à cette décision.
La notion d’unité de site, première condition indispensable à la caractérisation d’un ensemble commercial est parfois difficile à appréhender. Elle s’apprécie tant au niveau géographique que fonctionnel, le juge se faisant l’arbitre de l’appréciation de cette notion. C’est ainsi qu’il a pu être jugé que 2 magasins ne peuvent être considérés comme construits sur un même site s’ils sont à 300 mètres l’un de l’autre, que la communication ne s’effectue que par un giratoire et que ces deux bâtiments sont séparés par une voie de circulation ne pouvant être facilement traversée (Cass. com., 19 juin 2001, Sté Catalane Inters-port c/ SA Décathlon, n° 99-15.411, au Bulletin).
En revanche, des magasins implantés dans un lotissement d’activités commerciales dont la desserte est assurée par une même voie publique sont regardés comme réunis sur un même site (CAA Nancy, 15 mai 1997, Préfet de Moselle c/ Cne de Terville, n° 94NC01208). De façon plutôt pragmatique, le Conseil d’Etat retient l’existence d’un ensemble commercial lorsque les magasins sont relativement proches et, bien que séparés par une voie publique, ne sont pas dissociés par des obstacles de nature à décourager les clients ou à rendre plus compliqué leur parcours (Conseil d’Etat, 3 octobre 2003, Société Norminter, n° 248499).
A Plan-de-Campagne, le terrain d’implantation des magasins Grand Frais et Marie Blachère se trouve séparé de la partie principale de la zone commerciale par l’autoroute. Le terrain se trouve également à environ 300 mètres de distance des autres commerces. Toutefois, le choix de l’implantation de ces magasins n’est pas étranger à l’attractivité majeure de la zone, la plus importante de France. En outre, la liaison avec le reste se réalise aisément, même si le passage sous l’autoroute n’est possible qu’à plusieurs centaines de mètres du terrain.
Pris avec objectivité, le positionnement du terrain des magasins Grand Frais et Marie Blachère vis-à-vis des autres commerces les plus proches conduirait à exclure la notion d’ensemble commercial.
Cependant, la zone de Plan-de-Campagne est particulière, au regard de son ampleur comme de son attractivité. L’appréciation portée par le tribunal administratif de Marseille l’est tout autant, prenant la mesure du particularisme des lieux.
Egalement, et ce point est essentiel, la communication commerciale réalisée autour de la zone incluait (et c’est toujours le cas aujourd’hui), les magasins Grand Frais et Marie Blachère : le site Internet dédié «plandecampagne.com» géré par l’association des commerçants de la zone, recense ces magasins et celui de la commune «pennes-mi-rabeau.org» inclut ce terrain dans le périmètre de la zone commerciale Plan-de-Campagne.
Ces sites ne sont pas gérés par les exploitants des magasins mis en cause par le tribunal administratif, mais ceci n’est pas une circonstance de nature à les décharger de l’obligation d’être en conformité avec la notion d’ensemble commercial.
Force est de constater qu’en principe, pris sur un autre territoire, l’appréciation de l’unité de site avec les commerces voisins aurait dû être écartée par le juge administratif.
Cependant, l’importance de la zone commerciale Plan-de-Campagne l’a conduit à jauger la notion de site à l’échelle de ce secteur très particulier. A cela s’est ajouté la communication réalisée autour de la zone commerciale identifiant sans ambiguïté la situation de ce terrain à l’intérieur du site commercial de Plan-de-Campagne.
Selon nos informations, l’Etat aurait fait appel de ce jugement. Nous en saurons donc plus dans un an. En attendant, l’appel en cette matière n’étant pas suspensif, nous ignorons si le préfet a fait constater l’exploitation illicite ou mis en demeure de fermer les commerces en question suivant l’injonction qui lui a été faite par le tribunal. Il ne semble pas qu’une demande d’autorisation d’exploitation commerciale ait été déposée par les exploitants concernés et à ce jour l’exploitation se poursuit…
Notes 1. TA Marseille – Jugement n° 2009924 du 06 mai 2024
> Lire le rendu par le Tribunal administratif de Marseille le 6 mai 2024 sur largusdelenseigne.com

