La dissolution de l’Assemblée nationale a perturbé l’avancement des initiatives qui, par bonheur, allaient dans le bon sens pour le commerce. Notamment le projet de loi de simplification et la proposition de loi autorisant la transformation des bâtiments autres qu’habitations en habitation… ou en commerce. Idéal pour le renouveau des entrées de villes et zones d’activités en tout genre.
Les dispositifs se précisent et on croise les doigts pour qu’ils sortent sans encombre de l’épais brouillard parlementaire.
Par Me Marie-Anne Renaux, avocate-associée (Wilhelm&Associées)
Au cours des deux dernières années, les annonces, communiqués et autres projets de loi tendant à accélérer la requalification des zones commerciales et des locaux vacants se sont multipliés. Sous l’impulsion de ministres particulièrement mobilisés, la volonté du gouvernement de s’emparer de ce sujet était manifeste. En parfaite cohérence avec les nouvelles limitations imposées aux opérateurs commerciaux par la loi Climat&Résilience du 22 août 2021, du fait de l’interdiction de concevoir des projets engendrant une artificialisation, un arsenal de mesures a été mis en place pour faciliter les opérations de requalification des sites existants.
C’est ainsi qu’ont notamment été lancés : – Un appel à manifestation d’intérêt pour la transformation des zones commerciales, annoncé au mois de septembre 2023, lequel a donné lieu à une sélection de 79 premiers lauréats en mars 2024, puis de 16 projets supplémentaires au mois de mai suivant. Une troisième vague de candidats sélectionnés devait être dévoilée à l’automne 2024 ; • Un programme de soutien global de 26 millions pour ce plan de transformation ; • Un projet de loi de simplification de la vie économique, déposé au mois de décembre 2023 et adopté par le Sénat au mois de mai 2024.
Celui-ci comprenait, parmi les 26 mesures visant à alléger les démarches et la vie des entreprises, un dispositif de transfert des autorisations d’exploitation commerciale, dans les zones d’activités économiques. C’est également cette loi qui prévoyait la faculté de paiement mensuel des loyers commerciaux et la limitation du dépôt de garantie à trois mois de loyer ; – Une proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments à destination autre qu’habitation en habitation adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat, les 7 mars et 22 mai 2024. Au travers de plusieurs amendements, déposés au cours des débats parlementaires, la possibilité d’inclure les bâtiments commerciaux dans ce dispositif avait été envisagée.
Or, la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée le 9 juin dernier a stoppé net l’examen de ces textes, alors que la discussion en cours sur le budget de l’Etat devrait conduire à d’importantes restrictions.
Dans ce contexte, on pourrait s’inquiéter de la poursuite de la dynamique enclenchée pour la transformation des commerces. Mais, la parenthèse qu’a constitué la période de maintien du gouvernement démissionnaire semble se refermer, s’agissant de ce programme d’actions visant à ces requalifications. Tout d’abord, la Banque des Territoires a réaffirmé l’importance que présente la transformation des entrées de ville, en ce qu’elle constitue un «enjeu majeur d’aménagement des territoires» et un des axes phares de la phase II du programme Action Cœur de Ville (Acv). D’ailleurs, elle vient d’organiser une consultation citoyenne en ligne. L’objet de celle-ci étant «de recueillir les idées et suggestions du plus grand nombre de citoyens pour transformer les entrées de ville, qu’il s’agisse de zones commerciales, d’activités et/ou industrielles».
Du 11 septembre au 30 octobre dernier, cette consultation a donné lieu à 10 000 visites, à 80 000 votes et à plus de 500 propositions en réponse aux questions posées pour susciter le débat, sur les thèmes tels que : «Quelles sont vos idées pour améliorer ces espaces ? Comment les adapter aux nouveaux besoins des habitants et des consommateurs ? Quel devrait être le rôle d’une entrée de ville et comment devrait-elle s’articuler avec le centre en matière de commerces, de services, d’accessibilité ou de logements ?» La présentation des résultats de cette consultation, lors des VIe Rencontres Acv organisée à Chartres le 10 décembre prochain, pourrait être l’occasion de définir encore plus précisément l’avenir de ces zones.
Ensuite, le projet de loi de simplification de la vie économique a été de nouveau adopté en procédure accélérée par le Sénat, le 22 octobre 2024, et transmis à l’Assemblée nationale le lendemain. En l’état, la rédaction de l’article 25 de ce texte comprend de véritables avancées sur le régime d’autorisation applicable aux projets commerciaux, puisqu’il prévoit : – Le transfert temporaire des surfaces de vente, sans autorisation préalable, pendant la durée des travaux de requalification des zones commerciales, pour faciliter les opérations à tiroir ; – La confirmation de la possibilité de regrouper les cellules, non voisines, au sein d’un ensemble commercial ; – Le déplacement sans autorisation des surfaces de ventes dans des locaux commerciaux vacants, sous certaines conditions de seuils ; – La limitation de l’intérêt à agir des concurrents, du fait des justifications qu’ils auront à terme à fournir sur l’incidence «directe et significative» des projets contestés, à l’appui de leur recours en Commission nationale d’aménagement commercial (Cnac) ; – L’obligation pour la Cnac de motiver intégralement ses décisions/avis défavorables, afin d’empêcher les refus successifs, comme c’est fréquemment le cas actuellement.
Les dispositions actuelles de cet article reprennent ainsi en partie les amendements qui avaient été adoptés, lors des travaux parlementaires menés au mois de juin dernier. Elles doivent être examinées en commission spéciale par l’Assemblée nationale, le 7 novembre, avant d’être soumises au vote. Par contre, le réexamen de la proposition de loi relative à la transformation des bureaux en logements n’apparaît pas à l’agenda parlementaire. L’adoption de cette loi pourrait pourtant apporter sa pierre à l’édifice, au regard du régime spécifique qu’elle prévoit pour faciliter les changements de destination des locaux, tels qu’ils sont encadrés par le Code de l’urbanisme.
En effet, le Sénat avait adopté un amendement afin d’élargir ce régime spécifique à l’ensemble des bâtiments ayant une destination autre qu’habitation, pour en faire bénéficier les locaux commerciaux. Le constat avait alors été fait que cette disposition pourrait être particulièrement utile dans le cadre des opérations de requalification des entrées de ville.
Ainsi, les outils juridiques que le précédent gouvernement Macron a conçus pour aider les opérateurs à intervenir dans les zones périphériques, de toute nature, devraient être prochainement à la disposition de ces derniers. Reste à voir si les financements publics et le contexte économique difficile permettront en pratique une utilisation immédiate et généralisée de ces dispositifs, pour assurer la reconversion de ces zones en quartiers urbains mixtes.

