QUAND LE FRANCHISEUR EST SOLIDAIREMENT CONDAMNÉ AUX CÔTÉS DU FRANCHISÉ
La leçon à tirer de cet arrêt de Cassation, 3e Ch. Civ., du 17 février 2021 (n° 19-20. 380), est que le franchisé est tenu de faire état de sa qualité aux yeux des tiers. Aussi bien dans le magasin que sur le site Internet de l’enseigne où les intérêts du réseau peuvent être partagés. Le consommateur – qui ne sait pas à quelle entité juridique s’adresser – est en droit de l’attendre – pour exercer correctement son droit de rétractation, par exemple. Il y a donc urgence d’indiquer clairement à qui le client a à faire, et à s’assurer que les franchisés rappellent en tout temps qu’ils agissent «indépendamment» du franchiseur.
Par Me Cécile Peskine, avocat à la Cour, conseil en réseau (Linkea),
Au risque de surprendre le lecteur, seul un texte de droit positif français mentionne expressément le contrat de franchise : l’article A. 441-1 du Code de commerce (issu d’un arrêt dit «Neiertz» du 21 février 1991), aux termes duquel le franchisé est tenu d’informer les consommateurs de sa qualité d’entreprise indépendante, sur l’ensemble de ses documents, notamment de nature publicitaire, ainsi qu’à l’intérieur et à l’extérieur du lieu de vente.
L’idée sous-jacente est de permettre au client final de savoir avec quelle entité juridique il contracte, et par là même à l’encontre de quelle personne il doit former ses réclamations et recours éventuels.
L’idée encore plus sous-jacente est de permettre au franchiseur de ne pas voir sa responsabilité engagée lorsqu’un manquement a été commis à l’égard d’un client final par un franchisé. Pas simple pour le commun des mortels de déterminer si le point de vente d’une enseigne renommée est exploité directement par la marque, ou par un tiers juridiquement distinct et indépendant de celle-ci. Et ainsi de déterminer s’il doit adresser ses remarques et plaintes au franchiseur ou à un franchisé. Et encore moins évident sur Internet, s’il n’est pas clairement indiqué quelle est l’entité juridique commercialisant les produits sur le site Internet et en assurant le retrait en boutique.
Le consommateur ayant saisi le tribunal d’instance de Melun dans l’affaire soumise à notre étude, semblait ne pas avoir été en mesure de savoir qu’il contractait avec un franchisé ou avec le franchiseur. Ayant acheté un congélateur de voiture sur le site de Feu Vert, il sollicitait la condamnation solidaire du franchiseur et de son franchisé, au remboursement du prix concerné, n’ayant pas pu exercer son droit de rétractation.
L’enjeu du litige relevait de la compétence du tribunal d’instance, lequel est venu considérer que franchiseur et franchisé devaient répondre solidairement des conséquences découlant du non-respect de la loi Hamon s’agissant du droit de rétractation offert aux consommateurs en matière de vente en ligne. La décision attaquée est confirmée par la Cour de cassation. Celle-ci relève de manière lapidaire que la vente attaquée avait été conclue «sur le site Internet du franchiseur», auquel il incombait en conséquence de veiller au respect de la loi Hamon. Les hauts magistrats ne prennent ainsi pas la peine de préciser si l’opération de vente était conclue avec le seul franchisé, et considèrent que le franchiseur est tenu de veiller au respect des obligations relatives à la vente à distance dès lors que la vente est réalisée sur le site du franchiseur.
Les leçons à en tirer pour les enseignes sont substantielles : celles-ci veilleront à clairement préciser qui – du franchisé ou du franchiseur – agit en qualité de vendeur sur le site Internet, et lequel d’entre eux est tenu des réclamations. Le client doit, à cet égard, être informé de l’entité juridique commercialisant les produits en amont de la vente.
Les têtes de réseaux devront en outre veiller à ce que les franchisés respectent la règlementation des ventes à distance.
> Lire l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 17 février 2021
