Le privé n’y suffit plus ! La France a besoin de réhabiliter ses centralités dont la vacance, entre autres, montre l’urgence à se mettre à l’ouvrage. De nouvelles structures sont indispensables, notamment des foncières orientées vers le soutien au commerce et à l’artisanat de proximité et dont la dimension régionale fournit la taille critique indispensable à toute action d’envergure. Inscrites aux deux échelons des stratégies et des politiques territoriales, elles doivent en outre développer de nombreux partenariats, en particulier avec la Banque des Territoires, l’Établissement Public Foncier (Epf) d’Occitanie et les acteurs du commerce, nous explique Arnaud Ernst, directeur-associé d’Aid, groupe de conseil (observatoire, stratégie, programmation) qui, avec la Scet (Caisse des Dépôts), a pour mission de faire naître un outil régional d’aménagement et de restructuration commerciale et artisanale : Foccal.
Par Arnaud Ernst, directeur-associé (Aid)
Dans sa stratégie de développement à 2040, la région Occitanie a affirmé, après quelques décennies de métropolisation, sa volonté de travailler à un développement plus équilibré de son territoire. Cet objectif se traduit notamment par une politique active de renforcement des fonctions des polarités de taille intermédiaire, voire de proximité pour offrir à ses habitants une réponse à un maximum de besoins au niveau local.
Cette stratégie s’applique bien évidemment à la desserte commerciale de ces territoires qui constituent un des socles de cette politique proactive de rééquilibrage. C’est ainsi que des politiques visant à accompagner la pérennisation et le développement des fonctions commerciales dans les polarités intermédiaires et de proximité ont été mises en œuvre depuis plusieurs années : dispositifs bourgs centres, plan alimentation, pass commerce de proximité, fonds L’Occal…
Ces approches restent toutefois freinées, dans ces centralités intermédiaires et de proximité, par un immobilier commercial daté et la plupart du temps inadapté, par des loyers surévalués, et par des bailleurs qui n’investissent plus… La dynamique locale, qu’elle soit impulsée par la région ou par un écosystème local de porteurs de projet dynamique, se heurte aux rigidités du marché de l’immobilier commercial et à une carence d’offre réellement attractive et structurée.
Et cette problématique n’est pas propre à l’Occitanie. Elle constitue aujourd’hui un phénomène récurent à l’échelle nationale qui a été notamment mis en évidence par les analyses sur la vacance commerciale – un des phénomènes immédiatement perceptible. Ce constat s’explique par le fait que le commerce, au sens large, est historiquement, socialement et économiquement, la principale fonction d’une centralité urbaine. Son état général est donc un indicateur très sensible de la vitalité d’un territoire.
Dans ce cadre, le recours aux foncières comme outil au service du projet de territoire apparaît de plus en plus pertinent. S’inscrivant dans une démarche globale et partenariale, elles peuvent en effet agir sur différents maillons de la chaîne de valeur immobilière (acquisition, travaux, commercialisation, gestion, cession). Elles permettent la maîtrise de la typologie de commerce et amorcent une évolution que les seules lois du marché n’assurent pas.
L’implication des collectivités dans leur gouvernance, leur capacité d’engagement dans le long terme, leur fonction ensemblière, leur proximité avec les besoins du territoire, leur souplesse et leur autonomie de gestion, en font un levier de redynamisation privilégié.
Toutefois, il est essentiel de rappeler qu’une foncière n’est pas un objectif en soi. Elle est un moyen au service d’un projet plus global de revitalisation et de développement porté par les collectivités territoriales. Aujourd’hui, plus d’un tiers des 222 villes du programme Action cœur de ville ont ou développent un projet de foncière. Avec le programme «Petites villes de demain», ce nombre est d’ailleurs certainement amené à se développer. On dénombre actuellement près de 100 foncières, principalement dans le domaine du commerce.
Le gouvernement met par ailleurs actuellement en place une réponse structurante pour redynamiser le commerce et l’artisanat dans les territoires les plus fragiles, dans le cadre du plan «France Relance». Cet accompagnement vise à permettre la restructuration d’environ 6 000 locaux d’activité sur une période de cinq ans. L’Anct vient de créer à cet effet un fonds de restructuration de 60 millions pour soutenir l’immobilier commercial et artisanal dans les territoires fragiles et pour accélérer la mise en œuvre de ces opérations. Le fonds de restructuration des locaux d’activité prendra en charge jusqu’à 50 % du déficit des opérations en qualité de dernier subventionnaire.
Le maintien et le renforcement du commerce et de l’artisanat de proximité nécessitent des approches et des solutions nouvelles. Pour un effet structurant et pour répondre à la complexité des situations, l’intervention sur l’appareil commercial et la restructuration de l’offre sont parfois nécessaires. L’action publique en la matière doit permettre de proposer une offre réellement adaptée aux besoins (surface, environnement,…) et aux moyens financiers des acteurs concernés.
C’est pourquoi la région Occitanie a décidé de la création d’un outil régional d’aménagement et de restructuration commerciale et artisanale, dont la dénomination est Foccal et dont l’action s’articulera fortement avec les politiques locales urbaines, selon les orientations suivantes :
– Un outil principalement orienté sur le soutien au commerce à l’artisanat de proximité, avec des outils dédiés de type portage foncier et immobilier, travaux, commercialisation et gestion locative,
– Une échelle d’intervention régionale permettant d’atteindre la masse critique nécessaire pour la mutualisation de l’ingénierie et une péréquation territoriale, en articulation notamment avec les projets de foncières locales susceptibles d’être créées sur certains territoires,
– L’articulation avec les stratégies des territoires afin de favoriser une action de proximité avec la mobilisation de l’ensemble des leviers (urbanisme, foncier, fiscalité, animation commerciale,…),
– L’inscription dans les politiques territoriales qui portent une approche globale susceptible de sécuriser les investissements qui seront réalisés sur le volet commerce/artisanat, et en lien avec les grandes politiques régionales, notamment le Plan alimentation durable favorisant les circuits courts,
– Une logique forte de partenariats, en particulier avec la Banque des Territoires, l’Établissement Public Foncier (Epf) d’Occitanie et les acteurs du commerce,
– Une implication citoyenne renforcée.
Dans ce contexte d’action et dans le cadre du plan de relance, le Conseil régional d’Occitanie a donc adopté le 16 juillet 2020, le principe de création d’une foncière régionale, Foccal. Cette foncière est une filiale de la Société d’économie mixte (Sem) Agence régionale aménagement construction (Arac) Occitanie. Foccal associe d’ores et déjà au stade de la réflexion un panel de partenaires directement concernés : région Occitanie, Agence nationale de la cohésion des territoires (Anct), Banque des Territoires, Epf Occitanie…
Une vingtaine de sites test ont été pré-fléchés pour mettre en œuvre la foncière. Ces sites test sont très hétérogènes tant en matière de localisation, de taille ou de fonctionnement afin de pouvoir tester le modèle d’intervention en représentant tous les types de situation potentiels en Occitanie. Ce test concerne les villes suivantes : Anduze, Auch, Capdenac-Gare, Castelnaudary, Caylus, Céret, Figeac, Foix, Frontignan, Graulhet, Lodève, Lourdes, Mende, Millau, Pézenas, Remoulins, Revel, Saint-Antonin-Noble-Val, Saint-Gaudens et Tarbes.
A ce stade, il est indispensable de préciser que Foccal n’a pas pour objectif de réduire le taux de vacance dans ces sites, mais d’identifier des actifs stratégiques à l’effet levier sur la revitalisation de la centralité, en articulation avec les politiques locales de revitalisation.
In fine, l’objectif est d’identifier entre quarante et cinquante actifs stratégiques à l’échelle de la vingtaine de sites pré-fléchés et d’étendre à terme Foccal sur l’ensemble de l’Occitanie.
Afin de créer Foccal, trois étapes sont nécessaires :
Etape 1 : Réaliser une étude d’opportunité
Cette approche vise à mesurer le degré de maturité local pour créer une foncière, identifier les enjeux en matière de revitalisation commerciale, qualifier la commercialité et les parcours marchands, analyser les zones de chalandise et comportements d’achats de la clientèle, réaliser une étude de marché et de positionnement et flécher et évaluer la valeur des actifs immobiliers susceptibles d’entrer dans le champ d’intervention de la foncière.
Etape 2 : Réaliser une étude de faisabilité
Cette deuxième phase a notamment pour objectif de produire un plan d’affaires consolidant l’ensemble des acquisitions (compte d’exploitation et de trésorerie prévisionnelle mettant en évidence la rentabilité des projets, taux de rentabilité interne, rentabilité locative et cycle d’utilisation des fonds propres… ), d’identifier les besoins opérationnels (compétences, moyens humains et techniques… ) ainsi que les montages juridiques.
Etape 3 : Définir les conditions de mise en opérationnalité
Cette troisième phase a pour objectif d’assister la région et l’Arac dans le déploiement de l’action de la foncière à l’échelle régionale, de proposer un plan d’affaires de la structure intégrant ce déploiement sur une durée prévisionnelle de 15 ans et de produire un processus de mise en œuvre opérationnel de la structure (feuille de route) pour guider la phase de création. Enfin, un des principes fondateurs de Foccal est d’associer très largement les territoires dans la réflexion et le fléchage des actifs.
Au terme d’une consultation qui a vu une douzaine de groupements associant cabinets conseil spécialisés en revitalisation commerciale, ingénierie financière et montages juridiques : c’est le groupement Aid/Scet qui a été retenu. La philosophie de ce groupement repose sur la conviction que les territoires recèlent en eux une partie de la solution à leurs problèmes et qu’il n’y a pas de solutions uniformes, et pas davantage de fatalité face aux situations rencontrées. Que doit primer la recherche de la solution adaptée aux spécificités des territoires, que la capacité de croiser les expertises est un atout fort et qu’il convient de privilégier la réponse qualitative à la réplication d’une solution industrialisée.
C’est pourquoi le travail de terrain et de concertation avec les territoires et les partenaires, représente la majeure partie de l’intervention du groupement Aid/Scet qui a mis des moyens conséquents à disposition. Près d’une dizaine de consultants spécialisés et issus des deux structures travaillent, en effet, actuellement ensemble à l’élaboration de Foccal. Les travaux sont en cours. Une première préfiguration de Foccal est attendue à la rentrée 2021.
