L’esprit de la loi Doubin est d’éclairer le candidat sur les réalités de la franchise qu’il convoite. La Cour de cassation, infirmant un arrêt d’appel, en est bien d’accord et fait droit aux demandes du franchisé. Mais la décision de la Haute cour est incomplète. Elle laisse un tas de questions en suspens, en particulier de savoir si le franchiseur a, finalement, une obligation de mettre à jour son Document d’information précontractuel (Dip). Dans quel délai ? Une jurisprudence serait à cet égard la bienvenue.
Par Me Sophie Bienenstock, avocate au Barreau de Paris, maître de conférences à l’Université Paris 1 (Cabinet Bsm)
Le document d’information précontractuel (Dip) doit être remis au franchisé au moins 20 jours avant la signature du contrat de franchise. Le législateur a prévu un délai minimum pour permettre au candidat de s’engager en connaissance de cause. Toutefois, aucun délai maximum n’est prévu.
La question d’un délai trop long entre la remise du Dip et la signature du contrat peut paraître surprenante ; mais elle soulève une difficulté réelle : que se passe-t-il si le contexte a évolué et que certaines informations transmises dans ledit document ne sont plus à jour lors de la signature ? Le franchiseur a-t-il une obligation de mettre à jour celui qu’il aurait remis au franchisé plusieurs mois avant de signer le contrat définitif ?
Dans l’affaire soumise à la Cour, la tête de réseau avait conclu un contrat de licence concernant l’exploitation d’une salle de sport sous l’enseigne Lady Moving (désormais Fitness Park) en octobre 2011. Or le document d’information précontractuel avait été remis au candidat en septembre 2010. Dans l’intervalle, la situation du réseau avait évolué puisque de nombreuses procédures de liquidation judiciaire avaient été ouvertes.
Le licencié soutenait qu’il n’avait pas eu connaissance de ces procédures au jour de la conclusion du contrat, ce qui constituait une faute du franchiseur.
La cour d’appel, pour sa part, a estimé que le franchiseur avait bien respecté son obligation d’information : d’une part le licencié avait bien reçu un Dip conforme aux exigences légales plus de 20 jours avant la signature du contrat ; d’autre part les informations relatives aux procédures collectives n’avaient pas pu être communiquées puisqu’elles étaient postérieures à la remise dudit Dip.
Le licencié toutefois ne l’entendait pas de cette oreille, et si l’on songe au but poursuivi par la loi Doubin, son raisonnement est imparable : l’objectif de l’obligation d’information pesant sur la tête de réseau est bien de fournir au candidat tous les éléments nécessaires pour prendre une décision éclairée. Mais encore faut-il que ces informations soient toujours pertinentes et valables au jour de la signature du contrat !
La Cour de cassation a suivi le raisonnement du licencié en cassant l’arrêt d’appel au motif que les juges du fond auraient dû vérifier si «la situation du réseau ne s’était pas trouvée modifiée dans des conditions telles que le franchisé ne se serait pas engagé» s’il avait eu connaissance de ces éléments nouveaux.
Cette décision confirme un arrêt du 26 juin 2024 (Com., 26 juin 2024, n° 23-14.085), dans lequel la Chambre commerciale avait adopté une position similaire concernant le réseau Ucar. Là encore, l’affaire portait sur des procédures collectives survenues entre la remise du Dip et la signature du contrat. La Cour de cassation avait alors considéré que le silence du franchiseur sur les procédures collectives survenues au sein du réseau était vraisemblablement intentionnel.
Si la position adoptée par la Cour de cassation est parfaitement conforme à l’esprit de la loi Doubin, elle soulève une série d’interrogations. Le franchiseur a-t-il une obligation de mise à jour du Dip ? A partir de quel délai cette obligation joue-t-elle ? Une telle obligation pourrait-elle concerner d’autres éléments que l’ouverture de procédures collectives ? Comment caractériser une modification de l’état du réseau ?
La jurisprudence future nous éclairera sur ces différentes questions, qui appellent nécessairement des réponses casuistiques et nuancées.
> Lire l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 décembre 2024 N° 23-16.684
