Où il apparaît clairement qu’une clause soi-disant pas claire interdit la vente sur Internet et que celle-ci s’applique donc tout autant au franchisé qu’au franchiseur, estime la Cour de cassation ! Le contrat est une chose vivante et la tête de réseau doit suivre l’évolution des habitudes de consommation. Tout comme elle doit conserver précieusement les preuves de son assistance et maintenir un échange avec son réseau, en dépit des tensions éventuelles, nous explique Me Peskine.
Par Me Cécile Peskine, avocate à la Cour et associée (Link&A)
Bien mal venu est le franchiseur qui développe un site de e-commerce alors que son contrat de franchise prohibe les ventes en ligne. En 2021, par un arrêt remarqué et commenté (L’Argus de l’Enseigne – n° 61), la cour d’appel de Toulouse (1) venait confirmer la décision de référé faisant interdiction au franchiseur de vendre ses produits sur son site Internet ou au travers d’un autre site. Faisant usage de l’ensemble des voies de recours possibles, Naturhouse a formé un pourvoi devant la Haute Cour.
Au soutien de sa démarche, l’enseigne soulève qu’il ne relève pas de la compétence du juge des référés d’interpréter un contrat, et que – dans la mesure où son propre contrat (!) était «à tout le moins imprécis et ambigu» – il n’appartenait pas au juge des référés de se prononcer sur la question relative au bien-fondé des ventes Internet.
L’argumentation n’a toutefois pas convaincu la Cour de cassation (2) : celle-ci considère que les juges du fond ont seulement fait application d’une clause «claire» du contrat, aux termes de laquelle la vente de produits sur Internet était interdite, sans la circonscrire aux ventes réalisées par les franchisés. Comme souvent, le diable se niche dans les détails : la clause ne faisant pas de distinction, le franchiseur est ainsi logé à la même… enseigne que ses franchisés, et privé de la faculté de vendre en ligne.
Les affaires de la tête de réseau ne s’arrêtent pas là.
En parallèle, 42 franchisés du réseau ont entrepris d’attaquer leur franchiseur au fond, en résiliation judiciaire du contrat de franchise et paiement de dommages et intérêts.
Par une série d’arrêts du 5 avril 2023, la cour d’appel de Toulouse s’est prononcée sur le fond du dossier, retenant seulement certaines des demandes des franchisés – parmi la litanie de reproches formulés par ceux-ci :
– Le manquement du franchiseur à une obligation de coopération, fondé par le refus d’instaurer un fonds de communication ou un dialogue avec les franchisés ;
– L’infraction du franchiseur à l’interdiction de vendre sur Internet édictée par le contrat, dont les magistrats considèrent qu’elle s’impose tant aux franchisés qu’au franchiseur ;
– Le manquement du franchiseur à son obligation d’assistance.
Au-delà du débat relatif à l’interdiction de vente en ligne – dont on peut regretter l’absence d’analyse sur le fondement du droit de la concurrence -, cet arrêt rappelle l’importance, pour le franchiseur, de conserver les preuves de son assistance, et de maintenir un échange avec son réseau, en dépit des tensions. L’on pourrait néanmoins déplorer qu’il soit reproché à un franchiseur de ne plus coopérer avec un groupe de franchisés réunis dans le cadre d’une fronde, empêchant sans nul doute tout dialogue constructif.
Notes
1. Cour d’appel de Toulouse, 3e Chambre, 15 septembre 2021, RG n° 20/028.
2. Cour de cassation, Chambre commerciale, économique et financière, 13 avril 2023, n° 21-25.133.
> Lire l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 avril 2023
