Tribunal judiciaire de Paris
18e chambre, 2e section,
Jugement rendu le 25 février 2021
RG 18/02353
Mme V. G. c./Mme S. D. Société F
Faits et procédure
Par acte sous seing privé non daté, Mme D. (sic), aux droits de laquelle est venue Mme B (ci-après Mme B), a donné à bail en renouvellement à Mme V. G. (ci-après Mme G) divers locaux dépendant de l’immeuble sis (…) à Paris, ainsi désignés : «Une boutique située à gauche sur rue, avec escalier intérieur menant à un entresol, une grande pièce sur rue, cuisine et WC, avec cave n° 7», pour 9 ans à compter du 1er juillet 2007 pour se terminer à pareille date de l’année 2016, moyennant un loyer annuel de 6.868,85 euros, hors taxes et hors charges, payable à terme échu, par quart aux quatre trimestres d’usage et pour la première fois le 1er octobre 2007, puis les 1er janvier, 1er avril et 1er juillet de chaque année.
Les locaux sont destinés à l’exercice de «l’activité d’achat, vente, expertise, réparation, antiquités, mobilier, tableaux, objets d’art et tous objets se rapportant à la décoration».
Par acte extrajudiciaire du 29 décembre 2015, Mme G. a signifié à Mme B. et au gestionnaire de celle-ci, la Société F. (ci après la société F.), une demande en renouvellement du bail à effet du 1er juillet 2016, en application de l’article L. 145-10 du Code de commerce.
Par acte extrajudiciaire du 25 mars 2016, Mme B. a refusé le renouvellement du bail sollicité en offrant une indemnité d’éviction, en application de l’article L. 145-14 du Code de commerce.
Par acte du 21 février 2018, Mme G. a fait assigner Mme B. et la Société F. devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir dire que celles-ci lui sont redevables d’une indemnité d’éviction, de les voir condamner solidairement à lui payer une indemnité d’éviction et, avant dire droit, de voir désigner un expert judiciaire en vue de procéder à l’estimation des indemnités d’éviction et d’occupation découlant du refus de renouvellement.
Par ordonnance du 7 septembre 2018, le juge de la mise en état a désigné M. Xavier B. en qualité d’expert, qui a déposé son rapport le 25 octobre 2019, concluant à une indemnité d’éviction de 404.000 euros pour perte du fonds de commerce et à une indemnité d’occupation au 1er juillet 2016 de 18.270 euros par an, en ce compris un abattement de précarité de 10 %.
Par acte extrajudiciaire du 29 novembre 2019, Mme B. a notifié à Mme G. l’exercice de son droit de repentir, en application de l’article L. 145-58 du Code de commerce.
Aux termes de ses dernières conclusions en réplique et récapitulatives notifiées au greffe, par voie électronique, le 26 octobre 2020, Mme G. demande au tribunal, au visa des articles L. 145-10, L. 145-14, L. 145-28, L. 145-33, L. 145-34, L. 145-58 et L. 145-60 du Code de commerce et des articles 1104, 1219, 1244-1, 1719 du Code civil, de :
– Déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;
– Débouter Mme B. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
A titre liminaire
– Déclarer régulière la mise en cause de la Société F, ès-qualités de mandataire de Mme B. dans la gestion des locaux litigieux ;
A titre principal
– Fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la valeur locative des locaux à laquelle devra s’appliquer un abattement de précarité qui ne sera pas inférieur à 30 % de la valeur locative pour la période comprise entre le 1er juillet 2016 et le 29 novembre 2019, soit une indemnité d’occupation d’un montant de 48.547,59 euros ;
A titre subsidiaire :
– Condamner Madame B. à verser à Madame G. la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts;
– Déduire du montant de l’indemnité d’occupation par elle due la somme de 26.412,20 euros d’ores et déjà acquittée par elle au titre de l’indemnité d’occupation. Partant, dire que l’indemnité d’occupation restant due s’élève à la somme de 22.135,39 euros ;
– Fixer le montant du loyer annuel renouvelé à la somme de 7.771,38 euros en principal ;
A titre subsidiaire :
– Limiter les effets du repentir au seul renouvellement de bail, sans que l’augmentation du montant du loyer renouvelé ne puisse lui être opposé ;
– Juger qu’aucun loyer n’est dû pour la période de confinement du 15 mars au 11 mai 2020, soit 1.212,96 euros, en application de l’exception d’inexécution, et condamner le bailleur à restituer cette somme à la concluante ;
– Ordonner l’étalement et l’échelonnement du paiement du loyer du 3ème trimestre 2020 et de ses accessoires sur une période de 6 mois ;
– Ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties ;
– Condamner Mme B. à lui verser la somme de 13..654 euros sur le fondement des articles L.145-58 du Code de commerce et 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions «aux fins de fixation de l’indemnité d’occupation n° 3» notifiées au greffe, par voie électronique, le 24 septembre 2020, Mme B. et la Société F demandent au tribunal, au visa de l’article 32 du Code de procédure civile et des articles L. 145-28, L. 145-34 L. 145-58, L. 145-60, R. 145-20, R. 145-23 et suivants du Code de commerce, de :
A titre liminaire,
– Ordonner la mise hors de cause la Société F ;
A titre principal,
– Juger que dès lors que Mme G. s’est maintenue dans les lieux loués, elle est créancière d’une indemnité d’occupation à compter rétroactivement du 1er juillet 2016 et jusqu’au 29 novembre 2019 ;
– Juger que son action en fixation de ladite indemnité d’occupation n’ est pas prescrite;
– Fixer le montant de cette indemnité d’ occupation à la somme annuelle en principal HT/HC de 18.270 euros ;
– Juger que l’indemnité d’occupation sera indexée annuellement en fonction de la variation de l’ Ilc, l’indice de référence étant celui du 3e trimestre 2016, soit 108,56 ;
– Condamner Mme G. au paiement de la somme annuelle en principal HT/HC de 18.270 euros, et ce, au titre de l’indemnité d’occupation due par la locataire sur la période courant du 1er juillet 2016 au 29 novembre 2019, laquelle période correspondant à trois (3) années pleines et cinq mois ;
– Ordonner la compensation entre les sommes réglées et dues par Mme G. sur la période courant du 1er juillet 2016 au 29 novembre 2019 ;
– Fixer le montant des frais de l’ instance à la somme TTC de 9.000 euros ;
– Débouter Mme G. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, notamment en ce qu’elle sollicite la fixation du loyer du bail renouvelé le 29 novembre 2019 ;
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, la juridiction saisie venait à se déclarer compétente pour fixer le montant du loyer du bail renouvelé :
– Juger que l’Indice des Loyers Commerciaux (Ilc) est seul applicable au bail renouvelé le 29 novembre 2019 ;
– Fixer, en conséquence, le loyer du bail renouvelé le 29 novembre 2019 à la somme annuelle en principal HT/HC de 8.174,36 euros ;
En tout état de cause,
– Débouter Mme G. de sa demande tendant à voir annuler les loyers dus sur la période 15 mars au 11 mai 2020 ;
– Débouter Mme G. de sa demande de délais de paiement du loyer du 3e trimestre 2020 ;
– Ordonner l’ exécution provisoire du jugement à intervenir;
– Condamner Mme G. au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SL, Avocat, aux offres de droit, sur son affirmation qu’elle en a fait l’avance sans en avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Par ordonnance du 6 novembre 2020, le juge de la mise en état a clôturé l’instruction et renvoyé l’affaire à l’audience du tribunal de céans statuant en juge rapporteur du 12 novembre 2020.
Motifs de la décision
Sur la demande de la Société F
La société F demande à être mise hors de cause motifs pris de ce que les demandes formulées à son encontre par Mme G. sont irrecevables, en application de l’article 32 du Code de procédure civile, dès lors qu’elle est dépourvue du droit d’agir au sens de cet article, ne disposant d’aucun droit sur le local loué, dont elle n’est ni propriétaire ni bailleur et dont elle assure seulement la gestion locative, pour le compte de Mme B., en vertu d’un contrat de mandat du 9 février 2012.
Mme G. fait valoir, en réplique, qu’elle est légitime à mettre en cause la Société F. ès-qualités de mandataire immobilier de Mme B., dans le cadre de son action en fixation de l’indemnité d’éviction, et à maintenir cette mise en cause dans le cadre de ses dernières demandes, dès lors qu’en sa qualité de gestionnaire des locaux loués, la Société F. représente Mme G. dans tous les actes liés à la gestion locative, percevant notamment les loyers au nom de celle-ci, disposant à cet effet du droit d’agir à l’encontre des locataires aux fins d’en assurer le recouvrement et lui ayant, en l’espèce, fait délivrer, en sa qualité de mandataire de la bailleresse, l’acte de refus de renouvellement du bail.
Elle conclut au bien-fondé de sa demande tendant à voir déclarer régulière la mise en cause de la Société F. en qualité de mandataire de Mme B. dans la gestion des locaux loués.
En l’espèce, Mme G. ne formulant aucune demande à l’encontre de la Société F., aux termes de ses dernières conclusions, qui seules lient le tribunal, la fin de non-recevoir et la demande de mise hors de cause respectivement soulevée et formulée par la société F. seront déclarées sans objet.
Sur les demandes des parties au titre de l’indemnité d’occupation
Sur la demande de Mme B. tendant à voir juger que sa demande en paiement d’une indemnité d’occupation n’est pas prescrite
Il ressort des dernières écritures de Mme B., qu’elle formule cette demande en réponse à la fin de non-recevoir initialement soulevée du chef de la prescription par Mme G. qui ne la soulève plus dans ses dernières conclusions, de sorte que cette demande est désormais sans objet.
Le tribunal déclarera donc sans objet la demande de Mme B. susvisée.
Sur le fond
Les dispositions de l’article L.145-28 du Code de commerce s’appliquent à l’indemnité d’occupation due par le preneur initialement évincé, en contrepartie de son maintien dans les lieux entre l’expiration du bail par l’effet du congé et la notification à lui faite de l’exercice du droit de repentir.
Cette indemnité d’occupation est, dès lors, fixée à la valeur locative déterminée selon les règles énoncées par l’article L.145-33 du Code de commerce pour la fixation du montant des loyers des baux renouvelés ou révisés et corrigée de tous éléments d’appréciation en ce compris la précarité susceptible d’avoir affecté les conditions d’exploitation du fonds de commerce pendant la période de maintien dans les lieux.
En l’espèce, Mme G. est redevable d’une indemnité d’occupation à Mme B. pendant la période de maintien dans les lieux écoulée entre le 1er juillet 2016, date d’effet du refus de renouvellement signifié par la bailleresse, et le 29 novembre 2019, date de notification par celle-ci de son droit de repentir, cette indemnité étant fixée à la valeur locative dite de renouvellement à la date du 1er juillet 2016.
L’expert conclut à une valeur locative de renouvellement au 1er juillet 2016 de 20.300 euros sur la base d’un prix unitaire de 700 euros le m2 et d’une surface pondérée de 29 m2.
Les parties s’accordent sur la valeur locative de 20.300 euros fixée par l’expert, que retiendra donc également le tribunal, mais s’opposent sur l’abattement de précarité applicable, l’expert suivi en cela par Mme B. pratiquant l’abattement de 10 % usuel en la matière, alors que Mme G. sollicite l’application d’un abattement de 30 %.
Mme G. fait valoir, au soutien de sa prétention, que dès lors que le refus de renouvellement du bail a causé un trouble de jouissance au preneur évincé, l’abattement de précarité usuel de 10 % doit être augmenté de façon proportionnée au trouble subi ; qu’en l’espèce, la situation de précarité, dans laquelle elle se trouve du fait du refus de renouvellement de son bail, est aggravée, en premier lieu, par la longueur et les errements de la procédure qu’elle a été contrainte d’initier, qui ne lui ont pas permis, pendant près de quatre années, de prendre part ou même de programmer aucun événement en lien avec l’association «C.» aux fins de promouvoir son activité et de développer son relationnel pourtant essentiel dans le milieu des antiquaires, qui l’ont également rendue plus vulnérable au contexte économique difficile, lié aux manifestations de gilets jaunes puis aux grèves très importantes et enfin à l’obligation de fermeture induite par l’état d’urgence sanitaire et qui, enfin, du fait de la perte de la clientèle et de la notoriété développées et acquises dans les locaux depuis son installation, en 1983, ont fait peser sur elle, alors âgée de 65 ans, et pendant près de quatre ans, la crainte d’une retraite anticipée, l’incertitude juridique ayant de fait eu des répercussions plus importantes sur les modalités d’exploitation de son commerce, en raison de son âge ; en deuxième lieu, en raison du repentir tardif de Mme B. intervenu alors qu’elle avait entrepris des démarches pour préparer son départ et les nouvelles conditions d’exercice de son activité, bouleversant ainsi, de nouveau, ses projets professionnels, repentir d’une loyauté et d’une validité, par ailleurs, douteuses, pour lui avoir été notifié, alors que son exploitation avait été fortement obérée par le contexte économique, et dans des termes laissant subsister un doute sur la volonté de Mme B. de renouveler le bail ; en dernier lieu, par le caractère excessif de l’indemnité d’occupation de 18.270 euros, après abattement de précarité de 10 %, par rapport au montant du loyer renouvelé, lequel s’élève, par l’effet du plafonnement, à 7.771,38 euros, soit une augmentation de 135 % qu’elle ne peut assumer et qu’elle ne pourra pas compenser avec une indemnité d’éviction, du fait du repentir de la bailleresse.
Mme G. conclut être fondée à solliciter l’application d’un abattement de précarité de 30 %, à voir ainsi fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 14.210 euros, sur la période écoulée entre le 1er juillet 2016 et le 29 novembre 2019, soit à une somme totale de 48.547,59 euros et, enfin, à voir déduire de ce montant, la somme de 26.412,20 euros par elle réglée sur cette même période, de sorte que la condamnation prononcée à son encontre, au titre de l’indemnité d’occupation, ne puisse excéder la somme de 22.135,39 euros.
Mme B. fait valoir, en réplique, que Mme G. ayant attendu un temps particulièrement long avant d’engager la procédure judiciaire en fixation de l’indemnité d’éviction, dont elle était créancière, la longueur de cette procédure ne peut être supportée par la bailleresse ; que, contrairement à ce que soutient Mme G., le paiement de l’indemnité d’éviction ne dépend pas de la volonté du bailleur, dès lors que, sauf accord intervenu entre les parties, le juge est seul compétent pour fixer le montant de cette indemnité, le preneur bénéficiant du droit au maintien dans les lieux jusqu’à la décision arrêtant définitivement ce montant et n’étant donc pas tenu de restituer les locaux à tout moment, contrairement à ce que soutient également Mme G., à ce sujet ; que Mme G. pouvait, par ailleurs, développer son activité et augmenter son chiffre d’affaires pendant les opérations d’expertise de façon à obtenir une indemnité d’éviction plus importante, le juge appréciant les paramètres de calcul de cette indemnité et, notamment, le chiffre d’affaires du preneur évincé, à la date de son jugement ; que ni la loyauté ni la validité de son repentir ne sont douteuses, dès lors qu’elle n’a pas eu d’autre choix que de l’exercer au regard du montant conséquent de l’indemnité d’éviction évaluée par l’expert dans la perspective d’une perte du fonds de commerce alors qu’elle était convaincue que le fonds de Mme G. était transférable ; que Mme G. ne justifie ni des démarches qu’elle déclare avoir entrepris pour quitter les lieux avant le 29 novembre 2019, ni de l’impact de la procédure ou de la notification du droit de repentir sur l’activité de son fonds de commerce, aucune donnée comptable n’étant produite à cet effet.
Mme B. déduit de ce qui précède que Mme G. ne démontre pas le trouble de jouissance, qu’elle soutient avoir subi du fait du refus de renouvellement, et que, dès lors, le taux usuel de 10 % retenu par l’expert au titre de l’abattement de précarité est justifié. Elle conclut être fondée à solliciter que l’indemnité d’occupation due par Mme G. soit fixée à la somme annuelle de 18.270 euros, soit à la somme totale de 62.422,50 euros, pour la période de 3 ans et 5 mois ayant couru du 1er juillet 2016 au 29 novembre 2019, dont la compensation pourra être ordonnée avec la somme de 26.412,20 euros effectivement payée par Mme G. sur la même période.
En l’espèce, Mme B. a exercé son droit de repentir plus de trois ans après le refus par elle opposé, le 25 mars 2016, à la demande de renouvellement de bail de Mme G., alors âgée de 65 ans et, de fait, légitimement plus inquiète qu’un autre locataire de l’impact de son éviction sur la reprise d’une activité commerciale, exercée pendant plus de trente ans dans les mêmes locaux, et, le cas échéant, sur la reconstitution d’une clientèle, dans des conditions similaires à celles qu’elle était contrainte d’abandonner, et moins à même, également, d’investir dans le développement d’un fonds de commerce, dont elle ignorait si elle allait ou non le perdre, alors qu’elle était en situation de faire valoir ses droits à la retraite.
Dans ces conditions, la précarité de sa situation locative et commerciale, à laquelle Mme G. s’est trouvée confrontée, du fait de son éviction, pendant près de trois ans et demi, justifie l’application d’un abattement de 20 % sur la valeur locative de 20.300 euros précédemment retenue.
L’indemnité d’occupation sera ainsi fixée à la somme annuelle de 16.240 euros, hors taxes et hors charges, soit [(20.300 euros x 80)/100] et Mme G. sera condamnée à la payer à Mme B., pendant la période de maintien dans les lieux écoulée entre le 1er juillet 2016, date d’effet du refus de renouvellement signifié par la bailleresse, et le 29 novembre 2019, date de notification par celle-ci de son droit de repentir.
Alors que le bail la liant à Mme G. ne comporte pas de clause d’échelle mobile, Mme B. ne précise pas le fondement de la demande d’indexation de l’indemnité d’occupation qu’elle formule, ni ne motive cette demande, dont elle sera, dès lors, déboutée.
Dans ces conditions, Mme G. est redevable, au titre des indemnités d’occupation échues sur la période précitée, de la somme totale de 55.486,67 euros, soit {[16.240 euros x 3 ans]+ [(16.240 euros/12 mois) x 5 mois]}, dont il convient de déduire la somme de 26.412,20 euros par elle payée à Mme B., pendant cette même période.
Le tribunal condamnera donc Mme G. à payer à Mme B. de la somme de 29.074,47 euros (55.486,67 euros – 26.412,20 euros), au titre des indemnités d’occupation échues entre le 1er juillet 2016 et le 29 novembre 2019, et déboutera celle-ci de sa demande de compensation, le montant de l’indemnisation à elle due à ce titre et pour cette période ayant, d’ores et déjà, été liquidé.
Sur la demande de dommages et intérêts de Mme G.
A l’appui de sa demande, Mme G. reproche à Mme B., d’une part, de n’avoir pas pris les mesures propres à l’indemniser des conséquences de son éviction, en laissant délibérément traîner la procédure pour prolonger la perception d’une indemnité d’occupation non soumise à la règle du plafonnement, et, d’autre part, d’avoir commis des manquements dans l’exercice de son droit de repentir, en émettant une réserve, dans l’acte de notification, et en proposant, dans ce même acte, un prix du bail renouvelé méconnaissant totalement les règles de plafonnement et dont le montant conduisait à une modification substantielle des modalités de fixation du loyer incompatible, au même titre que la réserve précitée, avec une volonté claire et irrévocable du bailleur de renouveler le bail.
Mme G. fait valoir que ces manquements lui ont nécessairement causé grief dès lors qu’elle ne pouvait ni refuser le repentir au risque de devoir renoncer à son indemnité d’éviction ni contester la validité de l’acte au risque de se voir délivrer ultérieurement un nouveau repentir et de voir augmenter d’autant le montant de l’indemnité d’occupation non plafonnée, par elle due ; que ces manœuvres déloyales de la part de Mme B. ont créé la situation de précarité, dans laquelle elle s’est trouvée pendant près de quatre années, et lui ont donc causé un préjudice moral et financier justifiant d’être indemnisé, en application de l’article 1104 du Code civil, à hauteur, en l’occurrence, d’une somme de 15.000 euros.
Mme B. fait valoir, en réplique, que l’acte notifiant l’exercice de son droit de repentir précise, sous forme de réserve, la nécessaire conformité des clauses et conditions du bail aux dispositions de la loi Pinel qui profitent au locataire commercial ; que cette obligation légale ne peut donc lui être reprochée ; qu’elle a, par ailleurs, proposé à Mme G. un nouveau loyer que celle-ci pouvait refuser; que cette offre de loyer ne remet pas en cause le renouvellement du bail à compter du 29 novembre 2019, un nouveau bail s’étant formé, de façon irrévocable, à cette même date, du fait de l’exercice de son droit de repentir; qu’au demeurant, aucune donnée comptable n’est produite par Mme G. permettant de démontrer l’existence des préjudices, dont elle demande réparation. Elle conclut au rejet de la demande de Mme G. formulée de ce chef.
En l’espèce, Mme G. qui n’établit pas que Mme B. disposait d’éléments lui permettant de se convaincre que la valeur locative, à la date du 1er juillet 2016, excédait le montant du loyer plafonné, à cette même date, suivant les indices applicables, n’établit pas plus que celle-ci n’a pas agi en fixation de l’indemnité d’éviction, à seule fin d’obtenir une indemnité d’occupation supérieure au loyer contractuel, et ne justifie donc pas de la mauvaise foi, dont elle lui fait grief de ce chef.
Par ailleurs, le droit de repentir conféré au bailleur par l’article L. 145-58 du Code de commerce ne dégénère en abus donnant naissance à une dette de dommages et intérêts que si le preneur établit qu’il a été exercé par malice, de mauvaise foi ou par suite d’une erreur grossière équipollente au dol révélant l’intention du bailleur de nuire à ses intérêts.
En l’espèce, dès lors, d’une part, que l’exercice par le bailleur de son droit de repentir a pour effet de renouveler le bail, de façon irrévocable, et, d’autre part, que le preneur peut refuser le prix du bail renouvelé, proposé par le bailleur, et faire fixer judiciairement ce loyer, Mme G. ne peut valablement reprocher à Mme B. d’avoir usé de manoeuvres déloyales en émettant une réserve dans l’acte lui ayant notifié son repentir ou en ayant proposé un prix excédant le montant du loyer plafond.
Dans ces conditions, faute pour Mme G. d’établir la mauvaise foi de Mme B. ou les manœuvres déloyales de celle-ci, la demande de dommages et intérêts qu’elle formule à l’encontre de sa bailleresse n’est pas fondée et elle en sera déboutée.
Sur la demande de Mme G. au titre des frais d’instance
L’article L. 145-58 du Code de commerce impose au bailleur qui exerce son droit de repentir de supporter les frais de l’instance, ces frais s’entendant de tous ceux qu’un locataire, auquel un congé avec refus de renouvellement est délivré, a raisonnablement exposé pour faire valoir ses droits, afin notamment de voir fixer l’indemnité d’éviction, à laquelle il peut prétendre, et l’indemnité d’occupation, dont il est redevable, avant que le bailleur n’offre le renouvellement du bail, en exerçant son droit de repentir.
Mme G. fait valoir que, contrairement à ce que soutient Mme B., le bailleur ayant exercé son droit de repentir est tenu d’assumer la totalité des frais exposés jusqu’au terme de l’instance, au cours de laquelle il a exercé ce droit ; qu’en conséquence, il incombe à Mme B. de prendre en charge les frais d’avocat par elle supportés pour un montant total de 13.449 euros TTC suivant les factures qu’elle produit ainsi que les frais d’huissier d’un montant de 205 euros TTC suivant la facture par elle également produite.
Mme B. conteste devoir la note d’honoraires du conseil de Mme G. en date du 26 mars 2020 d’un montant de 1.440 euros Ttc motifs pris de ce qu’elle ne peut être intégrée aux frais de l’instance dès lors que la seule période visée par l’article L. 145-58 du Code de commerce prend fin avec l’exercice par le bailleur de son droit de repentir, excluant ainsi la prise en charge par celui-ci des diligences de l’avocat du preneur effectuées après l’exercice de ce droit.
Elle sollicite que les frais de l’instance mis à sa charge soient limités à la somme de 9.000 euros Ttc.
En l’occurrence, les diligences «accomplies du 9 juillet 2019 au 24 mars 2020 », facturées par le conseil de Mme G. dans la note d’honoraires du 26 mars 2020, que Mme B. conteste devoir prendre en charge, sont, pour partie, postérieures à l’exercice, le 29 novembre 2019, du droit de repentir, qui circonscrit la période visée par l’article L. 145-58 du Code de commerce, de sorte que ces honoraires ne peuvent être supportés en totalité par Mme B..
Faute pour la note précitée de détailler les prestations qu’elle facture, elle ne sera mise à la charge de Mme B. qu’à hauteur de la somme de 800 euros Ttc.
Mme B. ne contestant devoir aucune autre des notes d’honoraires de l’avocat de Mme G. produites par celle-ci en pièces n° 12 et 15, elles seront mises à sa charge, pour un montant total de 12.809 euros TTtc.
Mme G. justifie également du coût de l’assignation introductive d’instance qui s’élève à la somme de 205,28 euros Ttc, au vu de la facture de l’huissier de justice instrumentaire du 22 février 2018 qu’elle produit en pièce n° 13.
Dans ces conditions, Mme G. est fondée à demander à Mme B. de prendre en charge la somme totale de 13.014,28 euros (12.809 + 205,28) au titre des frais de l’instance visés par l’article L. 145-58 du Code de commerce.
Mme B. sera donc condamnée à payer à Mme B. la somme de 13.014,08 euros, à ce titre.
Sur la demande de Mme G. en fixation du loyer du bail renouvelé
En application de l’article L. 145-12 du Code de commerce, lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail et, si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
En l’espèce, Mme B. ayant notifié à Mme G. l’exercice de son droit de repentir par acte extrajudiciaire du 29 novembre 2019, c’est à cette date que prend effet le bail issu du renouvellement du bail expiré le 30 juin 2016, ainsi qu’en conviennent, d’ailleurs, les parties.
A cet égard, Mme G. sollicite la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 29 novembre 2019, au montant du loyer plafonné à cette date, sur la base d’un loyer initial de 6.868,85 euros, d’un indice multiplicateur de 115,21 égal à l’indice des loyers commerciaux (ci-après Ilc) du 2e trimestre 2019 et d’un indice diviseur de 101,83 égal à l’Ilc du 2e trimestre 2010, soit à un montant de 7.771,38 euros.
A l’appui de sa demande, Mme G. fait valoir qu’en l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité au sens de l’article L.145-34 du code de commerce, iln’y a pas lieu à déplafonnement du loyer qui reste soumis à la règle du plafonnement édictée par ce même article ; qu’ainsi que le prévoit cet article, en l’absence, comme en l’espèce, d’une clause du bail fixant le trimestre de référence de l’indice applicable, la variation de l’Ilc à prendre en compte est calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié, dès lors comprise, en l’occurrence, entre l’Ilc du 2e trimestre 2019 et l’Ilc du 2e trimestre 2010.
Mme G. réplique à l’exception d’incompétence soulevée par Mme B. au profit du juge des loyers commerciaux, que dès lors qu’elle a formulé sa demande de fixation du loyer du bail renouvelé accessoirement à ses demandes initiales et à la demande reconventionnelle de Mme B. en fixation de l’indemnité d’occupation à elle due par suite de l’exercice de son droit de repentir, le tribunal de grande instance est compétent pour connaître de cette demande accessoire, en application de l’article R. 145-23 du Code de commerce.
Mme B. sollicite, à titre principal, que Mme G. soit déboutée de sa demande en fixation du loyer du bail renouvelé le 29 novembre 2019 aux motifs, d’une part, qu’elle est irrecevable (sic) pour avoir été formulée devant le tribunal judiciaire alors que celui-ci est incompétent pour en connaître, en application de l’article R.145-23 du Code de commerce qui attribue compétence exclusive de ce chef au juge des loyers commerciaux, et, d’autre part, qu’elle est «irrégulière» pour avoir été formée, en lieu et place du mémoire exigé par l’article R. 145-23 du Code de commerce, par voie de conclusions, dès lors, affectées d’une irrégularité de fond.
Mme B. fait valoir, à titre subsidiaire, si le tribunal se déclarait compétent pour fixer le montant du loyer du bail renouvelé, que, s’agissant d’un renouvellement de bail postérieur à la date d’expiration du bail échu, il convient d’appliquer les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce et de calculer, en conséquence, la variation de l’Ilc trimestriel à partir du dernier indice publié, pour une durée égale à celle écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement, soit, en l’espèce, pour une durée de 12 ans, 1 trimestre et 2 mois.
Mme B. conclut que le loyer du bail renouvelé le 29 novembre 2019 doit être calculé sur la base du loyer initial de 6.868,85 euros, d’un indice multiplicateur de 115,21 égal à l’Ilc du 2e trimestre 2019 publié le 21 septembre 2019 et d’un indice diviseur de 96,81 égal à l’Ilc du 1er trimestre 2007 publié 12 ans et 1 trimestre plus tôt.
Elle sollicite ainsi la fixation dudit loyer à la somme annuelle en principal de 8.174,36 euros.
En application des articles 789 et 791 du Code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions d’incompétence, les parties n’étant plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge, et devant, par ailleurs, saisir le juge de la mise en état de leur incident par des conclusions spécifiques, distinctes des conclusions au fond.
Dans ces conditions, Mme B. est irrecevable à exciper, dans ses dernières conclusions au fond et pour la première fois devant lui, de l’incompétence du tribunal judiciaire au profit du juge des loyers commerciaux.
Elle sera donc déclarée irrecevable en son exception d’incompétence.
Mme G. ayant régulièrement saisi le tribunal, par voie de conclusions, de sa demande accessoire de fixation du loyer du bail renouvelé, les moyens soutenus par Mme B., tirés de l’irrégularité de cette demande et de l’irrégularité de fond des conclusions, dont elle ne tire d’ailleurs aucune conséquence procédurale, sont inopérants et seront, de fait, écartés.
Sur le fond, les parties s’accordent, d’une part, sur le fait que le loyer doit être fixé, à compter du 29 novembre 2019, à son montant plafonné, à cette même date, à la valeur indiciaire, en application de l’article L. 145-34 du Code de commerce, d’autre part, sur le montant du loyer initial qu’elles déclarent toutes deux s’élever à 6.868,85 euros à compter du 1er juillet 2007 ainsi que sur l’application de l’Ilc, s’agissant d’un bail renouvelé après l’entrée en vigueur de la loi n° 2914-626 du 18 juin 2014 dite «loi Pinel», et, enfin, sur l’indice multiplicateur de 115,21 correspondant au dernier Ilc publié à la date du renouvellement, soit à l’Ilc du 2e trimestre 2019 publié le 21 septembre 2019.
Elles divergent, en revanche, sur l’indice diviseur, Mme G. prenant en compte la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié, en application du premier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce, soit l’Ilc du 2e trimestre 2010 de 101,83, alors que Mme B. prend en compte, en application du deuxième alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce, la variation de l’Ilc trimestriel calculée à partir du dernier indice publié, pour une durée égale à celle qui s’est écoulée entre le 1er juillet 2007, date du bail expiré, et le 29 novembre 2019, date de notification du repentir, soit 12 ans 1 trimestre et 2 mois, pour retenir l’Ilc correspondant 12 ans et 1 trimestre plus tôt, soit l’indice du 1er trimestre 2007 de 96,81.
En application de l’article L. 145-34 du Code de commerce, lorsque le renouvellement intervient après la date contractuelle d’expiration du bail, la période de variation indiciaire correspond à la durée écoulée entre la date initiale du bail et celle de son renouvellement, laquelle coïncide, en cas d’exercice par le bailleur de son droit de repentir, avec la date de la notification du repentir au preneur.
En l’espèce, ainsi que le relève justement Mme B., la durée écoulée entre le bail du 1er juillet 2007 et la notification de son repentir en date du 29 novembre 2019 s’élève à 12 ans 1 trimestre et 2 mois de sorte que le loyer plafond du bail renouvelé à cette date se calcule comme suit :
– loyer initial à compter du 1er juillet 2007 : 6.868,85 euros,
– Ilc multiplicateur : 115,21, Ilc du 2e trimestre 2019 publié le 21 septembre 2019 correspondant au dernier indice publié à la date du 29 novembre 2019,
– Ilc diviseur : 96,81, Ilc du 1er trimestre 2007, soit 12 ans et 1 trimestre avant la date du 29 novembre 2019, soit (6.868,85 euros x 115,21)/96,81 = 8.174,36 euros.
Le loyer du bail renouvelé, à compter du 29 novembre 2019, entre Mme G. et Mme B. sera, en conséquence, fixé à cette même date à la somme annuelle de 8.174,36 euros, hors taxes et hors charges.
Sur la demande de Mme G. en restitution de la somme de 1.212,96 euros
A l’appui de sa demande, Mme G. fait valoir qu’en application du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 reprenant les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 et prescrivant les mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et, notamment, la fermeture des magasins de vente, elle n’a pu accueillir sa clientèle dans les locaux loués et a dû fermer son commerce de vente d’objets d’art et de décorations à compter du 15 mars et jusqu’au 11 mai 2020, soit pendant la période de confinement de 57 jours ; que cette mesure de fermeture des commerces non essentiels l’a donc empêchée de jouir paisiblement des locaux commerciaux donnés à bail et, partant, d’exploiter son activité commerciale; que cette circonstance constitue une inexécution des obligations du bailleur de délivrer les locaux et d’en assurer la jouissance paisible mises à sa charge par l’article 1719 du Code civil ; que cette inexécution qui affecte les obligations essentielles du bailleur est suffisamment grave pour justifier, en application de l’article 1219 du code civil, l’exception d’inexécution du loyer, en ce qu’elle a totalement empêché l’exercice de son activité commerciale qui est pourtant l’objet même d’un bail commercial.
Mme G. conclut, d’une part, au bien-fondé de sa demande tendant à voir juger qu’aucun loyer n’est dû pour la période du 15 mars au 11 mai 2020, faute pour Mme B. d’avoir exécuté ses propres obligations, et, partant, au bien-fondé de l’exception d’inexécution par elle soulevée de ce fait, et, d’autre part, au bien fondé de sa demande tendant à voir juger que la somme de 1.212,96 euros correspondant aux loyers échus entre le 15 mars et le 11 mai 2020, soit, sur la base du loyer annuel de 7.771,38 euros, 21,28 euros par jour x 57 jours, n’est pas due et lui sera donc restituée.
Mme G. réplique aux moyens de défense de Mme B. :
– s’agissant du moyen tiré de la stipulation, dans le bail, d’une clause de renonciation du preneur à tout recours en responsabilité contre le bailleur, en cas de troubles apportés à sa jouissance par le fait d’un tiers, que sa demande tendant, non à se voir indemniser d’un préjudice résultant de la faute de sa bailleresse, mais à faire jouer le mécanisme de l’exception d’inexécution et, par suite, à obtenir la restitution des loyers indument payés ne peut être qualifiée de recours en responsabilité, au sens du bail, de sorte qu’elle ne peut être considérée comme y ayant renoncé,
– s’agissant du moyen tiré du fait qu’elle a d’ores et déjà payé les loyers litigieux, que, si ce paiement prouve qu’elle n’a pas voulu prendre le risque d’une application unilatérale et extrajudiciaire de l’exception d’inexécution, il ne signifie pas qu’elle a renoncé à se prévaloir de cette exception et à solliciter la restitution de l’indu,
– s’agissant du moyen tiré de ce que la bailleresse n’a pas manqué à son obligation de délivrance entendue comme «la remise matérielle de la chose permettant la destination convenue», dès lors que sa locataire a toujours eu la jouissance des lieux par la possession des clés, que la délivrance des locaux doit permettre l’exploitation des locaux loués conformément à leur destination contractuelle, laquelle ne dépend pas uniquement de la possession des clés, la 3e chambre civile de la cour de cassation ayant, d’ailleurs, jugé, dans un arrêt du 27 février 2020 n° 18-20.865, que l’obligation de délivrance peut être inexécutée en cours de bail lorsque les locaux deviennent impropres à l’usage auxquels ils étaient destinés, autorisant ainsi le preneur à soulever l’exception d’inexécution,
– s’agissant du moyen tiré de l’exonération du bailleur en raison du fait du prince constitutif d’un cas de force majeure, que, si le caractère non imputable et insurmontable des mesures imposées par le gouvernement, à l’origine du défaut d’exécution par Mme B. de ses obligations de délivrance et de jouissance paisible, n’est pas contesté, il n’en demeure pas moins que seule la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat est conditionnée par le Code civil au fait que «l’exécution n’a pas été empêchée par la force majeure (sic)», l’exception d’inexécution n’étant, en revanche, aux termes du Code civil, aucunement limitée par la force majeure, de sorte que le fait que les mesures gouvernementales soient à l’origine de l’inexécution de la bailleresse ne peut faire obstacle à ses demandes,
– s’agissant, enfin, du moyen tiré de ce que la 3e chambre civile de la cour de cassation a admis, dans un arrêt du 29 avril 2019 n° 08-12.261, que l’obligation du bailleur d’assurer au preneur la jouissance paisible des locaux cesse en cas de force majeure, que, dans un contrat synallagmatique comme le bail commercial, les obligations du bailleur et du preneur sont réciproques, le paiement du loyer étant la contrepartie du droit de jouir paisiblement du local et donc de l’exploiter conformément à sa destination, de sorte que si le locataire ne reçoit plus la contrepartie de son loyer, soit la jouissance utile de la chose louée, il peut cesser de payer le loyer sur le fondement de l’exception d’inexécution, sans que le bailleur ne puisse valablement lui opposer la suspension de sa propre obligation, en l’espèce, de son obligation de jouissance paisible, pendant l’évènement constitutif du cas de force majeure, pour prétendre que l’obligation de paiement du loyer subsisterait, pendant cette même période.
Mme B. fait valoir que le loyer annuel en principal s’élevant actuellement à la somme de 7.730,40 euros et le loyer journalier à la somme, de fait, de 21,18 euros, les loyers dus sur la période du 15 mars au 11 mai 2020 s’élèvent à la somme de 1.207,26 euros (57 jours x 21,18 euros) et non à la somme de 4.290,39 euros (sic) sollicitée par Mme G.. Mme B. sollicite le rejet de la demande de Mme G. en restitution de cette somme motifs pris de ce qu’elle excipe à tort de l’inexécution du contrat de bail les liant, pour se soutraire au paiement des loyers, dès lors qu’aux termes dudit bail qui constitue la loi des parties, elle s’est engagée à «renoncer à tout recours en responsabilité contre le Bailleur[…} en cas de troubles apportés à la jouissance par le fait de tiers, quelque soit leur qualité, le Preneur devant agir directement contre eux sans pouvoir mettre en cause le Bailleur ou son mandataire» de sorte que les loyers exigibles pendant la période de confinement sont irrémédiablement dus par elle ; dès lors qu’elle a, par ailleurs, réglé lesdits loyers et est à jour du paiement des loyers et accessoires ; dès lors que la délivrance devant être appréhendée comme la remise matérielle de la chose louée dans un état permettant la destination convenue ainsi que cela résulte de l’arrêt de la 3e chambre civile de la cour de cassation du 25 juin 2016 n° 07-14.341, il n’y a, en l’occurrence, aucun défaut de délivrance d’un bien dont Mme G. a toujours eu la jouissance, n’ayant jamais cessé d’en posséder les clés, d’y stocker son matériel et ses marchandises voire de s’y rendre pour travailler ; que, si un manquement à son obligation de délivrance conforme était caractérisé, il ne lui est pas imputable puisque c’est la décision du gouvernement de fermer les commerces au public, et non l’état de l’immeuble, qui l’a empêchée de remplir cette obligation de sorte que le défaut de délivrance des locaux ne saurait lui être reproché ; dès lors que la mesure de fermeture des commerces imposée arbitrairement par le gouvernement a constitué pour elle un obstacle insurmontable à l’exécution de son obligation de jouissance paisible, cette décision de l’autorité publique ayant clairement porté atteinte à l’équilibre financier des contrats et, notamment, des baux commerciaux et étant constitutive du fait du prince qui caractérise, en matière civile, un cas de force majeure ; dès lors que la cour de cassation a, de surcroît, déjà admis, dans un arrêt rendu le 29 avril, sous le n° 08-12.261, par la 3e chambre civile, que l’obligation du bailleur d’assurer au preneur la jouissance paisible des locaux cesse en cas de force majeure ; dès lors, enfin, que ne pouvant par aucun moyen contrevenir à la décision administrative de fermeture des commerces, elle était de fait exonérée de son obligation de délivrance.
En application de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée en mettant à sa disposition, pendant toute la durée du bail, des locaux conformes à leur destination contractuelle, dans lesquels il est en mesure d’exercer l’activité prévue par le bail, et d’en faire jouir paisiblement celui-ci pendant la même durée. Cet article n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s’exerce son activité.
En application de l’article 1728 du Code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
En application des articles 1217 et 1219 du Code civil, la partie peut refuser d’exécuter l’obligation contractuellement mise à sa charge, alors même que celle-ci est exigible, si son cocontractant n’exécute pas l’obligation, dont il est réciproquement tenu, et si cette inexécution est suffisamment grave.
En l’espèce, Mme G. ne discute et ne conteste pas que la configuration, la consistance, les agencements, les équipements et l’état des locaux à elle remis par Mme B. en exécution du bail les liant lui permettent d’exercer l’activité, à laquelle ils sont contractuellement destinés, et le trouble de jouissance, dont elle se prévaut, du fait de la fermeture administrative de son commerce, entre le 15 mars et le 11 mai 2020, imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre la propagation de l’épidémie de la covid-19, n’est pas garanti par la bailleresse.
Mme G. n’est, dès lors, pas fondée à exciper, au soutien de sa demande de restitution des loyers par elle payés sur la période précitée, de l’inexécution par Mme B., pendant cette même période, de ses obligations de délivrer les locaux loués et de garantir leur jouissance paisible à sa locataire.
Mme G. sera donc déboutée tant de sa demande tendant à voir juger qu’aucun loyer n’est dû pour la période de confinement du 15 mars au 11 mai 2020 que de sa demande en paiement de la somme de 1.212,96 euros au titre de la restitution de l’indu, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen tiré de la clause de renonciation «à tout recours en responsabilité contre le Bailleur» soulevé par Mme B., dont la responsabilité n’est pas retenue.
Sur la demande de Mme G. en délais de paiement du loyer du 3e trimestre 2020
Mme G. sollicite du tribunal qu’il échelonne le paiement du loyer du 3e trimestre 2020 et de ses accessoires, sur une période de six mois, en application de l’article 1343-5 du Code civil, compte tenu des difficultés financières par elle subies du fait du contexte économique et sanitaire, faisant valoir, à cet égard, que la situation sanitaire lui a fait perdre l’intégralité de son chiffre d’affaires pendant la période de confinement, entre le 15 mars et le 11 mai 2020, et qu’en raison de la persistance de la menace sanitaire, son activité, bien qu’autorisée , ne peut s’effectuer dans des conditions normales, la fréquentation de son commerce étant considérablement réduite en comparaison de la fréquentation habituelle en période estivale.
Mme B. s’oppose à la demande de délais, en faisant valoir, que, si elle est consciente des difficultés rencontrées par Mme G., du fait de la situation de crise sanitaire, celle-ci ne communique néanmoins aucun élément comptable permettant de s’assurer du bien-fondé de sa demande alors qu’elle a manifestement pu bénéficier des aides de l’Etat et notamment du fonds de solidarité et éventuellement du prêt garanti par l’Etat.
En application de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Mme G., qui a payé les loyers échus au cours de la première période de fermeture administrative de son commerce et qui a pu, de nouveau, ouvrir celui-ci à la clientèle à compter du 12 mai 2020, ne peut, dès lors, procéder par simples allégations d’une situation financière dégradée à l’appui de sa demande d’échelonnement du paiement, à terme échu, du loyer du 3e trimestre 2020, au cours duquel l’interdiction d’ouverture au public des commerces non essentiels ne s’appliquait plus.
Dans ces conditions, Mme G. ne produisant aucune pièce, notamment, comptable permettant au tribunal d’apprécier sa situation financière à la date d’échéance du loyer concerné ni, a fortiori, de la comparer, le cas échéant, avec celle qu’elle déclare être habituellement la sienne en période estivale, elle ne justifie pas du bien-fondé de sa demande de délais de paiement, dont elle sera, dès lors, déboutée.
Sur les autres demandes
Mme B., à l’origine de la présente instance par la délivrance de son refus de renouvellement, sera condamnée aux dépens, qui incluront le coût de l’expertise judiciaire et qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, et sera déboutée de sa demande en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Mme G. ayant circonscrit sa demande au titre des frais irrépétibles aux frais d’instance, qui font l’objet de la condamnation en paiement d’une somme de 13.014,28 euros précédemment prononcée à l’encontre de Mme B., le tribunal dira que cette condamnation est également prononcée en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, l’exécution provisoire sera ordonnée.
Par ces motifs
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
– Dit sans objet la demande de mise hors de cause de la Société F.,
– Dit sans objet la demande de Mme S. D. tendant à voir juger que son action en fixation de l’indemnité d’occupation n’est pas prescrite,
– Dit que Mme V. G. est redevable à Mme S. D. d’une indemnité d’occupation à compter du 1er juillet 2016, date d’effet du refus de renouvellement délivré par la bailleresse, et jusqu’au 29 novembre 2019, date de notification par celle-ci de son droit de repentir,
– Fixe le montant de cette indemnité d’occupation à la somme annuelle de 16.240 euros, hors taxes et hors charges, déduction faite d’un abattement de précarité de 20 %, et condamne Mme V. G. à la payer à Mme S. D. pendant la période de maintien dans les lieux écoulée entre le 1er juillet 2016 et le 29 novembre 2019,
– Déboute Mme S. D. de sa demande d’indexation de l’indemnité d’occupation,
– Condamne Mme V. G. à payer à Mme S. D. de la somme de 29.074,47 euros, au titre des indemnités d’occupation échues entre le 1er juillet 2016 et le 29 novembre 2019, déduction faite de la somme de 26.412,20 euros payée par Mme V. G. sur cette même période,
– Déboute Mme S. D. de sa demande de compensation, Déboute Mme V. G. de sa demande de dommages et intérêts,
– Déclare Mme S. D. irrecevable en son exception d’incompétence,
– Fixe à la somme de 8.174,36 euros, hors taxes et hors charges, par an à compter du 29 novembre 2019, le montant du loyer du bail renouvelé depuis cette date entre Mme S. D. et Mme V. G. pour les locaux situés 7 rue des Saint-Pères Paris 6e,
– Déboute Mme V. G. de sa demande tendant à voir juger qu’aucun loyer n’est dû pour la période de confinement du 15 mars au 11 mai 2020 et la déboute de sa demande en paiement de la somme de 1.212,96 euros au titre de la restitution des loyers par elle payés sur cette même période,
– Déboute Mme V. G. de sa demande de délais de paiement du loyer du 3e trimestre 2020,
– Condamne Mme S. D. à payer à Mme V. G. la somme de 13.014,28 euros au titre de ses frais d’instance, en application de l’article L. 145-58 du Code de commerce et de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamne Mme S. D. aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,
– Ordonne l’exécution provisoire,
– Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.
