Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Chambre 1-7
Arrêt du 21 janvier 2021
N° 17/08561
Sci Foch c./Sas Monoprix Exploitation
Exposé du litige
Suivant bail commercial en date du 6 mars 1998, la Société d’Exploitation et de Gestion industrielle et commerciale (Segic en abrégé), aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la Sci Foch, a donné en location à la Société Prisunic Exploitation, aux droits de laquelle vient la Sas Monoprix Exploitation, des locaux commerciaux, d’une superficie totale développée de 5766,86 m2, s’étendant sur 4 niveaux du sous-sol au 2e étage dans l’immeuble sis […], 20 à […] et […]. Ce bail a été consenti pour une durée de 9 ans, du 16 mars 1997 au 15 mars 2006, moyennant un loyer initial de 2.045.000 francs par an plus charges.
Par avenant de renouvellement du bail en date du 8 octobre 2001, les parties ont convenu, en contrepartie de l’autorisation donnée par la bailleresse à la locataire d’exécuter divers travaux, de mettre un terme anticipé au bail du 6 mars 1998, et de le renouveler pour une nouvelle durée de 9 ans, à compter du 1er octobre 2001, moyennant un nouveau loyer de 686.020,58 euros par an au 1er octobre 2001, et de 762.245,09 euros par an à compter de l’obtention par la locataire du permis de construire purgé du recours des tiers, et de remplacer la clause de révision triennale prévue au bail du 6 mars 1998 par une clause d’échelle mobile.
Suivant acte d’huissier du 17 janvier 2014, la Sci Foch, bailleresse, a adressé à la Sas Monoprix Exploitation, locataire, un congé avec offre de renouvellement du bail pour le 30 septembre 2014, moyennant un loyer annuel déplafonné d’un montant de 2.900.000 euros, hors taxes et hors charges, la durée du bail expiré ayant excédé 12 ans.
Par courrier du 22 avril 2014, la société Monoprix a accepté le principe du renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2014.
Selon mémoire préalable notifié à la locataire par lettre recommandée du 21juillet 2014 avec avis de réception du 23 juillet 2014, invoquant le fait que le bail expiré avait eu une durée supérieure à 12 ans, la Sci Foch a sollicité le déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative de 3.071.200 euros par an, en principal, en se prévalant d’un avis de valeur établi par le cabinet Ige.
Aucun accord n’ayant pu intervenir entre les parties, la Sci Foch, par exploit d’huissier du 19 novembre 2014, fait assigner la Sas Monoprix Exploitation devant la juridiction des loyers commerciaux aux fins de voir notamment ordonner le déplafonnement du loyer.
Par jugement en date du 4 février 2015, le juge des loyers commerciaux du tribunal de Grande Instance de Nice a constaté l’accord des parties sur le principe du renouvellement du bail pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 2014, constaté que le bail renouvelé au 1er octobre 2001 s’est poursuivi tacitement au-delà de sa date d’échéance contractuelle du 30 septembre 2010 et a atteint une durée supérieure à 12 ans, dit en conséquence que le loyer du bail renouvelé n’est pas soumis à plafonnement et doit être fixé à la valeur locative au 1er octobre 2014 et a ordonné une expertise aux fins d’estimer la valeur locative des lieux loués.
Par jugement en date du 5 avril 2017, le juge des loyers commerciaux du tribunal de Grande Instance de Nice a statué ainsi :
– Fixe le loyer sur renouvellement des locaux, situés […], 20 à […] Biscarra et […], à l’enseigne Monoprix, à la somme de 1.312.916 € (un million trois cents douze mille neuf cents seize euros) par an, hors charges et hors taxes, correspondant à la valeur locative, et ce à compter du 1er octobre 2014.
– Dit que la Sas Monoprix Exploitation sera tenue au paiement des intérêts légaux sur l’arriéré locatif depuis le 28 octobre 2016, dans les conditions de l’article 1343-2 (ancien 1155) du Code civil.
– Déboute les parties de l’ensemble de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
– Condamne la Sci Foch aux dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise judiciaire.
Le tribunal, s’appuyant sur l’expertise ordonnée, a ainsi fixé le loyer du bail renouvelé.
La Sci Foch a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 3 mai 2017.
Par arrêt avant-dire-droit en date du 19 avril 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné une nouvelle expertise en relevant que l’expert s’était fondé sur très peu de références similaires non vérifiées et collectées par de simples informations téléphoniques. L’expert a déposé son rapport le 12 novembre 2019.
Par conclusions notifiées sur le Rpva le 14 janvier 2020 auxquelles il convient de se référer pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, la Sci foch demande de :
– Infirmer le jugement prononcé par le tribunal de Grande Instance de Nice le 5 avril 2017 en ce qu’il a fixé le loyer de renouvellement des locaux occupés par l’enseigne Monoprix situés au 40/42, avenue Jean-Médecin à la somme de 1.312.916 euros
– Fixer le loyer de renouvellement à la somme de 2.487 532 € en principal et par an hors charges et hors taxes pour un bail renouvelé aux clauses et conditions du précédent, et ce à compter du 1er octobre 2014.
– Condamner la société Monoprix Exploitation au paiement de l’arriéré de loyers dus à compter du 1er octobre 2014 augmenté des intérêts à compter du mémoire initial du 23 juillet 2014.
– Condamner la société Monoprix Exploitation au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle rappelle que le principe du déplafonnement du loyer n’est pas discuté par les parties conformément à l’article L. 145-34 alinéa 3 du Code de commerce et indique ne plus discuter la surface utile pondérée retenue à 3 241,33 m2. Elle fait valoir cependant que la valeur locative retenue par l’expert est encore sous-évaluée pour les raisons suivantes : le commerce dispose d’un emplacement de choix justifiant une valeur locative élevée comparable à des locaux équivalents situés dans d’autres agglomérations françaises, il convient de retenir le rapport d’expertise amiable réalisé par M. X. qui renseigne sur le marché des autres agglomérations françaises, les coefficients correctifs proposés par l’expert sont contestables et viennent réduire de façon important les valeurs locatives, il convient de retenir à la fois la partie fixe et la partie variable du loyer binaire payé par H&M, l’abattement de 10 % en raison du transfert sur le locataire des travaux prévus par l’article 606 du Code civil n’est plus justifié puisque seuls les baux avant la loi Pinel pouvaient prévoir ce transfert.
Par conclusions notifiées sur le Rpva le 11 mars 2020 auxquelles il convient de se référer pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, la Sas Monoprix Exploitation demande de :
– Dire que la surface pondérée est de 3.096,50 m2.
– Fixer la valeur locative à la somme de 590 € le m2 H.T par an,
– Fixer la valeur locative annuelle HT et HC à la somme de 1.693.435 € pour les locaux commerciaux à la date du renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2014.
– Donner acte à la Sas Monoprix Exploitation qu’elle a intégralement réglé les loyers du 1er octobre 2014 à ce jour.
– Constater que l’article L145-34 du Code de commerce, alinéa 4 (loi 2014-626 du 18 juin 2014), s’applique au bail liant les parties.
– Condamner la Sci Foch à payer à la Sas Monoprix Exploitation la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du C.P.C.
– Condamner la Sci Foch aux entiers dépens de l’instance, par application de l’article 696 du C.P.C, distraits au profit de Maître Jacques Bistagne, avocat.
Au soutien de ses prétentions, elle demande l’homologation du rapport d’expertise.
Motifs de la décision
Le déplafonnement du loyer a été décidé par le jugement définitif du juge des loyers commerciaux en date du 4 février 2015 qui a «dit que le loyer du bail renouvelé n’est pas soumis à plafonnement et doit être fixé à la valeur locative au 1er octobre 2014» en application de l’article L. 145-34 du Code du commerce.
Sur la valeur locative
En application de l’article L. 145-33 du Code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
1. Les caractéristiques du local considéré ;
2. La destination des lieux ;
3. Les obligations respectives des parties ;
4. Les facteurs locaux de commercialité ;
5. Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
L’article R.145-3 du Code de commerce précise :
Les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération :
1° De sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;
4° De l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.
Selon l’article R. 145-7 du même code, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
A défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d’autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.
Enfin aux termes de l’article R. 145-8 du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou l’autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.
Aux termes de son rapport d’expertise, l’expert a abouti à une valeur locative HT et HC sans correction d’un montant de 1.912.384 euros et d’un montant de 1.693.435 euros après correction.
La Sas Monoprix Exploitation demande de retenir ce dernier montant et donc l’ensemble des corrections retenues par l’expert. La Sci Foch a formulé des critiques sur la fixation de la valeur locative HT et HC qu’il convient d’examiner avant la discussion sur la pertinence ou non des corrections proposées.
Il importe avant tout de relever que si la bailleresse se réfère à plusieurs reprises à d’autres avis techniques, et notamment à ceux réalisés par M. X et par M. Y, ces rapports ont, d’une part, été étudiés et pris en compte par l’expert judiciaire et, d’autre part, ce sont des avis techniques établis à sa demande alors que la cour dispose dorénavant d’un rapport judiciaire établi de façon contradictoire, particulièrement étayé et établi après un pré-rapport et réponses complètes aux dires des parties.
L’expert rappelle que les locaux sont implantés dans l’hyper centre de Nice à l’angle de l’avenue Jean-Médecin et de la rue Biscarra, dans un environnement essentiellement composé d’immeubles anciens de standing de type bourgeois avec des commerces en rez-de-chaussée et que l’immeuble est un bâtiment ancien de style art déco d’une superficie totale de 5.583,40 m2. Il situe les locaux litigieux non pas dans le carré d’or de Nice mais en zone médiane. L’état foncier des locaux est décrit comme bon. Le commerce est de grande enseigne et occupe le sous-sol jusqu’au deuxième étage de l’immeuble. Le sous-sol est réservé au stockage, le rez-de-chaussée à un espace de vente avec lignes de caisses, un sas de livraison et quelques locaux divers, le 1er étage comprend une zone accessible au public avec une surface de vente et une zone non accessible au public, le 2e étage est consacré aux locaux sociaux.
Sur les éléments de comparaison
La Sci Foch reproche à l’expert d’avoir écarté les références utilisées par M. X car elle ne se situaient pas dans la commune de Nice. En effet, dans ce rapport amiable, l’expert indique qu’en raison de la rareté des références de très grandes surfaces à proximité des locaux qui nous occupent, il convient de s’attacher aux loyers pratiqués sur le territoire national qui sont déterminants pour le preneur, et se réfère aux loyers pratiqués pour des surfaces équivalentes à Lyon, Lille, Bordeaux, Strasbourg…. La difficulté de trouver des termes de comparaison avec d’aussi grandes surfaces et à de tels emplacements de choix n’est pas contesté par l’expert judiciaire qui a écrit qu’elle constituait la difficulté majeure dans ce dossier. Cependant, l’article R. 145-7 du Code de commerce précité évoque bien les prix pratiqués dans le voisinage et il est constant que la rareté des éléments de référence peut conduire à les rechercher dans des commerces limitrophes à la commercialité équivalente ou à retenir des commerces de nature différente mais pas dans les autres métropoles. Dès lors, il était fondé d’exclure ces références.
Par ailleurs, l’expert s’est fondé sur une vingtaine d’éléments de comparaison en écartant les superficies inférieures à 75 m2 et en retenant après avoir procédé à une étude particulière, à l’examen de deux baux communiqués et déjà retenus par M. X, à savoir ceux des enseignes Nespresso et Diesel pour des superficies respectives de 590 m2 et de 441 m2.
S’agissant de la référence à la valeur locative du bail consenti à la société H&M qui était précisément visée dans l’arrêt de la cour d’appel et dans la mission d’expertise, l’expert précise, après avoir étudié en détail ce bail, qu’il s’agit d’un loyer binaire composé à la fois d’un loyer minimum garanti de 2 millions d’euros et d’un pourcentage (8%) du chiffre d’affaires mais qu’en l’absence d’exploitation de ce commerce avant le 19 août 2015, le montant du loyer à prendre en considération à la date de la signature du bail se limitait au loyer garanti. Ce faisant, l’expert n’a pas contredit la jurisprudence établie selon laquelle la partie fixe et la partie variable du loyer binaire constituent un ensemble indivisible mais a simplement indiqué ne pas disposer pour l’année 2014, année de référence et année de signature de ce bail, de chiffre d’affaires de cet établissement H&M.
Sur la surface utile pondérée
En ce qui concerne la surface utile pondérée des locaux, elle a été fixée, après application des coefficients de pondération recommandés par la charte de l’expertise en évaluation immobilière, à 3.241,33m2. La Sci Foch indique ne plus discuter cette surface qui a fait l’objet antérieurement de discussions entre les parties. La Sas Monoprix, demande que soit retenue la superficie de 3.096,50 m2, superficie retenue dans l’expertise X, en indiquant que la Sci Foch admet ce chiffre dans ses dernières conclusions. Cette affirmation est inexacte, la Sci Foch demande l’homologation du rapport judiciaire s’agissant de la surface utile pondérée. Il convient, en l’absence de critique utile à ce titre formée par la locataire, au vu du travail fait par l’expert judiciairement désigné et de l’application des recommandations de la charte susvisée, de retenir la superficie telle que calculée par Mme Z. A.
Sur les coefficients de proportionnalité
S’agissant des coefficient de proportionnalité qui ont été aussi appliqués dans les rapports amiables Y et X demandés par la bailleresse, ils sont à la fois clairement indiqués et utilisés par l’expert après détermination de la surface utile pondérée dans un souci de cohérence pour corriger les biais provenant des différences de surface et ne pas appliquer la même valeur unitaire pour un local alors qu’il est constant que les valeurs euro/m2 sont inversement proportionnelles. Il convient dans ces conditions de les retenir.
Sur l’abattement de 10 % en raison de la charge des grosses réparations
La Sci Foch s’oppose à l’application de l’abattement de 10 % proposé par l’expert en raison des travaux laissés à la charge du preneur faisant valoir l’interdiction de tels transferts de charges prévue par la loi dite Pinel en date du 18 juin 2014.
En l’espèce, l’avenant de renouvellement au bail, en date du 8 octobre 2001, prévoit que le preneur s’engage à supporter l’intégralité des travaux d’entretien et de conservation sur les parties d’immeuble objet du bail, y compris ceux relevant des dispositions de l’article 606 du code civil à l’exception des travaux afférents à la couverture.
Le bail renouvelé au 1er octobre 2001 s’est poursuivi tacitement au-delà de la date d’échéance contractuelle du 30 septembre 2010 et par jugement définitif en date du 4 février 2015, le juge des loyers commerciaux du tribunal de Grande Instance de Nice a constaté l’accord des parties sur le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2014.
L. 145-40-2 du Code de commerce résultant de la loi Pinel n°2014-626 du 18 juin 2014 précisait qu’ «un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs.» Le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 d’application de cette loi, publié le 5 novembre 2014, prévoyait en son article 6 :
R. 145-35 -Ne peuvent être imputés au locataire : «1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;
Ce décret était indispensable à l’application de la loi pour connaître la répartition des dépenses et travaux entre bailleur et preneur, l’article de loi susvisé ne précisant aucunement cette répartition.
Ainsi, au vu des dates ci-dessus rappelées et du principe de non-rétroactivité des lois, les baux renouvelés avant le 5 novembre 2014 peuvent toujours comporter des clauses telle que celle prévue entre les parties laissant à la charge du preneur les grosses réparations. La fixation de la valeur locative dans le cadre du présent litige concernant la période courant à compter du 1er octobre 2014, date de renouvellement du bail, l’abattement proposé par l’expert demeure opportun et d’actualité pour ce renouvellement nonobstant l’intervention de la loi Pinel. Il convient d’ajouter que la clause d’accession figurant dans le bail initial, citée par le bailleur et différant son accession au départ du preneur, a trait aux embellissements, aménagements et installations effectués par le preneur et non aux grosses réparations prévues par l’article 606 du Code civil et n’a pas d’incidence sur l’abattement proposé.
Sur l’abattement du fait de la taxe foncière
Pour fixer la valeur locative, l’article L.145-33 du Code de commerce définit cinq critères à appliquer, le 3e étant «les obligations respectives des parties».
L’article R.145-8 du Code de commerce dispose que, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative, qu’il en est de même des obligations imposées au locataire au delà de celles qui découlent de la loi ou des usages.
En son article 3, l’avenant en date du 8 octobre 2001 dispose que «le preneur s’engage à rembourser au bailleur à compter du 1er octobre 2001 l’impôt foncier dû sur les biens donnés à bail au prorata des surfaces louées».
La bailleresse qui affirme qu’il s’agit d’un usage «dans le sud» n’apporte aucun élément au soutien de cette affirmation et n’en démontre pas l’existence, ni pour le secteur géographique ni pour le secteur d’activité.
L’expert a indiqué avoir précisé quand le bail mettait à la charge du preneur l’impôt foncier. Tel est le cas pour seulement deux des éléments de comparaison à savoir Nespresso et Diesel. Ainsi et pour la majorité des éléments de comparaison dont H&M, les loyers des baux de comparaison font peser la taxe foncière sur les bailleurs.
S’agissant d’une taxe que la loi met à la charge du bailleur, le locataire qui doit la rembourser sans contrepartie supporte donc une charge exorbitante de droit commun et une obligation excédant celles qui découlent de la loi ou des usages, le bailleur ne rapportant pas la preuve de l’usage dont il affirme l’existence. Son transfert au preneur constitue donc un facteur de diminution de la valeur locative.
Dans ces conditions, la déduction du montant de la taxe foncière telle que proposée par l’expert est justifiée. Il convient par conséquent au vu de l’ensemble de ces éléments de fixer la valeur locative des lieux loués à la somme de 1.693.435 euros HT et HC à compter du 1er octobre 2014 et telle que proposée par l’expert.
La cour rappelle enfin, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» et de «donner acte» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.
Sur le point de départ des intérêts
Il est constant en application de l’article 1155 ancien du Code civil que les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter de la délivrance de l’assignation introductive d’instance en fixation du prix lorsque le bailleur est à l’origine de la procédure. Il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu comme point de départ des intérêts l’envoi du mémoire de la bailleresse alors que l’assignation avait été délivrée par le bailleur le 19 novembre 2014.
Sur les demandes formées en application de l’article 700 du Code de procédure civile
En équité, il n’y a pas lieu à application de cet article et les parties seront déboutées de leurs demandes formées de ce chef.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du Code de procédure civile, ils seront supportés par la Sci Foch et il sera fait application de l’article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :
– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamné la Sci Foch aux dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise judiciaire.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– Fixe le loyer du bail renouvelé liant la Sci Foch et la Sas Monoprix Exploitation et portant sur des locaux, situés […], 20 à […] et […], à l’enseigne Monoprix, à la somme de 1.693.435 euros par an, hors charges et hors taxes, correspondant à la valeur locative, et ce à compter du 1er octobre 2014.
Soumis à ce,
– Dit que la surface utile pondérée des locaux bail est de 3 241,33m2.
– Dit que la Sas Monoprix Exploitation sera tenue au paiement des intérêts légaux sur l’arriéré locatif depuis le 19 novembre 2014.
– Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
– Condamne la Sci Foch aux dépens qui seront distraits au profit de Maître Jacques Bistagne, avocat, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.
