Contrairement à une jurisprudence antérieure, la Cour de cassation décide que l’acceptation du renouvellement «aux clauses et conditions antérieures» interdit de faire fixer ensuite le loyer, à la baisse ou à la hausse.
Par Me Jehan-Denis Barbier, docteur en droit, avocat à la Cour (Barbier-Associés)
Par un arrêt du 15 avril 2021 (pourvoi n° 19-24. 231), la 3e chambre civile de la Cour de cassation estime que le preneur ayant formé une demande de renouvellement du bail aux clauses et conditions du précédent bail et le bailleur ayant exprimé son accord pour un renouvellement aux mêmes clauses et conditions antérieures, un accord exprès a été conclu et que la demande du preneur en fixation du loyer du bail renouvelé à la baisse doit être rejetée.
Il convient de rappeler de quelle façon le renouvellement d’un bail commercial peut être mis en œuvre (I), avant d’examiner ce cas particulier concernant une demande de renouvellement «aux clauses et conditions antérieures» (II).
I. Généralités sur la mise en œuvre du renouvellement du bail commercial
Il y a en principe deux façons de mettre en œuvre le renouvellement d’un bail commercial, soit à l’initiative du locataire, soit à l’initiative du propriétaire. A l’initiative du locataire, celui-ci peut notifier une demande de renouvellement.
Cette demande de renouvellement ne doit pas être notifiée plus de six mois avant la fin du bail, mais dans les six mois précédant la fin du bail ou à défaut à tout moment au cours de la tacite prolongation du bail (sur les formalités voir J.-D. Barbier et C.-E. Brault, Le Statut des baux commerciaux, Lgdj édition 2020, p. 73). Dans cet acte, le locataire déclare qu’il demande le renouvellement de son bail, mais il n’est pas obligé de proposer un montant de loyer.
A la suite de sa demande de renouvellement, si le propriétaire l’accepte expressément ou s’il ne répond pas dans le délai de trois mois, ce qui présume son acceptation, le locataire dispose d’un délai de deux ans pour négocier une baisse de loyer ou, à défaut d’accord, pour engager une procédure de fixation à la baisse. Le prix qui sera éventuellement fixé prendra effet rétroactivement à la date du renouvellement. A l’initiative du bailleur, le renouvellement est mis en œuvre au moyen d’un congé comportant offre de renouvellement, signifié plus de six mois avant le terme du bail ou, en cas de tacite prolongation, six mois à l’avance pour le terme d’un trimestre civil.
A la différence des règles concernant le locataire qui forme une demande de renouvellement, le propriétaire a, quant à lui, intérêt à demander un nouveau loyer dans son congé, s’il veut obtenir une augmentation. S’il notifie son nouveau prix dans un acte séparé, cela reste valable, mais si la notification est postérieure à la date de prise d’effet du renouvellement, la prise d’effet du nouveau prix lui-même sera retardée.
Ainsi, en général, le renouvellement d’un bail commercial intervient en deux temps : les parties échangent d’abord un accord sur le principe du renouvellement ; elles disposent ensuite d’un délai de deux ans pour s’accorder sur le loyer du bail renouvelé ou pour le faire fixer judiciairement.
Rappelons d’autre part que les formalités de la demande de renouvellement du congé ne sont pas d’ordre public et qu’un accord peut intervenir, par exemple, par un simple échange de lettres, dès lors que l’accord est clair et précis sur la date du renouvellement et sur le prix. Si le locataire écrit à son bailleur, même par lettre simple : «Je vous demande le renouvellement de mon bail à telle date et je vous propose tel prix» et si le bailleur répond : «Suite à votre lettre de telle date, j’accepte le renouvellement à telle date et tel prix», dans les mêmes conditions, l’accord est parfait et le bail se trouve renouvelé (Cass. 3e civ. 10 octobre 2001, n° 00-10. 807, Gaz. Pal. 2002, p. 78).
II. Cas particulier de la demande de renouvellement «aux mêmes clauses et conditions» que celles du bail expiré
Dans l’affaire commentée, au terme de son bail, la société locataire avait signifié à la société bailleresse une demande de renouvellement conforme aux dispositions de l’article L. 145-10 du Code de commerce. Dans cet acte, la société locataire demandait le renouvellement «aux mêmes clauses et conditions que le bail précédent». Une copie du précédent bail était annexée à la demande de renouvellement.
La société bailleresse avait répondu qu’elle acceptait «le principe du renouvellement du bail, aux mêmes clauses et conditions antérieures, conformément à l’acte de demande de renouvellement signifiée». La société locataire avait ensuite notifié un mémoire préalable en fixation du prix du bail renouvelé et avait saisi le juge des loyers commerciaux.
Le juge des loyers commerciaux estima que l’accord entre les parties portait non seulement sur le principe du renouvellement mais également sur le prix du bail, qu’il s’agissait d’un accord définitif et que la demande de fixation était donc mal fondée. La cour d’appel d’Aix-en-Provence confirma le jugement en estimant qu’il y avait eu un «accord explicite et total sur les modalités du renouvellement». Le pourvoi formé contre cet arrêt est rejeté. La Cour de cassation estime que les parties sont liées dès lors qu’il y a un accord pour un renouvellement «aux mêmes clauses et conditions antérieures», et que le loyer ne peut donc plus être modifié ni à la hausse ni à la baisse.
A. Le piège
La solution retenue par la Cour de cassation est très dangereuse, car une formule de style se transforme en piège. Le locataire qui demande le renouvellement de son bail «aux clauses et conditions du bail expiré» ne peut plus demander la fixation du loyer à la baisse. Le bailleur qui délivrerait un congé avec offre de renouvellement «aux clauses et conditions du bail expiré» pourrait de même se trouver lié, sans pouvoir demander une augmentation de loyer.
La motivation des juges du fond était curieuse. Tant le premier juge que la cour d’appel avaient observé que «le locataire avait proposé le renouvellement sans réserve sur le prix» et que «le bailleur avait accepté sans aucune réserve ce renouvellement». Les juges constataient donc le silence des parties, l’absence de réserve sur le montant du loyer et concluaient, curieusement, que «l’accord explicite des parties portait sur le prix». Comme le faisait valoir le pourvoi, cette motivation était erronée et, tout au plus, pouvait-on retenir un accord implicite ou tacite, mais certainement pas explicite ou exprès, puisque le montant du loyer offert et accepté n’était mentionné ni dans la demande de renouvellement ni dans la réponse du bailleur.
Sans entrer dans ces considérations, la Cour de cassation paraît se retrancher derrière l’appréciation souveraine des juges du fond, puisqu’elle approuve la cour d’appel d’avoir «souverainement retenu» qu’il y avait un accord exprès sur les conditions et clauses du bail précédent dès lors que les parties avaient demandé et accepté sans aucune réserve le renouvellement «aux mêmes clauses et conditions antérieures ».
Par conséquent, en l’état de cette nouvelle jurisprudence, on retiendra que, à moins de vouloir piéger l’autre partie, la formule «aux clauses et conditions du bail expiré» doit être bannie. Pourtant cet arrêt est en contradiction avec une précédente jurisprudence.
B. La jurisprudence antérieure contraire
L’arrêt de la Cour de cassation du 15 avril 2021, qui retient que les parties sont liées dès lors qu’il y a un accord pour un renouvellement, «aux mêmes clauses et conditions antérieures» est en contradiction avec un précédent arrêt du 24 juin 2009 (Cass. 3e civ. 24 juin 2009, n° 08-13.970, Administrer août-septembre 2009, p. 29, note J.-D. Barbier).
Dans cette précédente décision, la Cour de cassation avait approuvé une cour d’appel d’avoir jugé que «si la mention « aux mêmes clauses et conditions du bail antérieur » portée sur la demande de renouvellement du bail formée par la locataire (…), pouvait traduire la volonté de celle-ci de renouveler le bail, cette formule d’usage, qui ne faisait aucune référence expresse au loyer élément essentiel du contrat de bail, ne pouvait suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme de la locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler».
La Cour de cassation avait donc admis qu’il n’y avait pas de renouvellement ferme et définitif et que les parties pouvaient encore exercer leur droit d’option ou faire fixer le loyer à la hausse ou à la baisse. Il faudrait donc que la jurisprudence s’accorde sur la portée de la formule «aux clauses et conditions du bail expiré». S’agit-il d’une formule de style qui porte seulement sur le principe du renouvellement, ou d’une proposition portant également sur le montant du loyer qui resterait inchangé ?
En conclusion, en l’état de ces incertitudes jurisprudentielles, les locataires et les propriétaires retiendront qu’il faut éviter de demander ou d’offrir le renouvellement «aux clauses et conditions du bail expiré», si l’on veut ensuite pouvoir demander soit une augmentation soit une baisse de loyer.
> Lire l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 15 avril 2021
