Cour de cassation
Chambre civile 3
25 mai 2023
Pourvoi N° 22-15.946
La Mangeoire c./la commune de X
Faits et procédure
Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 15 mars 2022) et les productions, pour loger son personnel, la société La Mangeoire, exploitant un commerce de piano-bar-restaurant, a conclu, avec la commune de X, devenue la commune de X, propriétaire d’un immeuble dans lequel avait été exploité un hôtel, successivement sept conventions qualifiées de «convention d’occupation précaire», la première du 9 novembre 2009, à effet du 15 novembre 2009 au 15 mai 2010, la dernière à effet du 1er novembre 2014 ayant pour terme le 31 octobre 2015.
Le 5 octobre 2015, la commune (la bailleresse) a adressé à la société La Mangeoire (la locataire) un projet de «bail de location saisonnière» pour l’année 2016, stipulant une durée de sept mois à l’issue de laquelle le preneur devra quitter les lieux.
La locataire restée, sans interruption, en possession des lieux depuis la date d’effet de la première convention, a, le 26 mai 2016, assigné la bailleresse, revendiquant l’existence d’un bail commercial et l’application du statut des baux commerciaux.
A titre reconventionnel, la bailleresse a sollicité son expulsion et le paiement d’une indemnité d’occupation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
La locataire fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, d’ordonner son expulsion et de fixer une indemnité d’occupation, alors «que le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d’une convention en bail commercial court à compter de la conclusion du dernier contrat, conclu entre les parties, dont la requalification est demandée ; qu’en jugeant que le délai de prescription de l’action en requalification formée par la société La Mangeoire avait commencé à courir à la date à laquelle les parties avaient conclu leur premier contrat de bail, soit le 9 novembre 2009, et non à la date à laquelle avait été conclue la dernière convention en vertu de laquelle le local était mis à disposition du preneur, la cour d’appel a violé l’article L. 145-60 du Code de commerce.»
Réponse de la Cour
Vu l’article L.145-60 du Code de commerce :
Selon ce texte, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
Le délai de prescription biennale applicable à l’action en requalification d’un contrat en bail commercial court, même en présence d’une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.
Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de requalification de la convention en bail commercial, l’arrêt énonce, d’abord, que le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion de la convention initiale, y compris en cas de reconduction tacite ou de renouvellement par avenants successifs et qu’une telle solution s’impose également en cas de renouvellement par conclusion d’un nouveau contrat similaire.
Relevant, ensuite, que depuis la signature de la première convention en 2009, la relation contractuelle a été renouvelée dans les mêmes conditions, entre les mêmes parties et pour les mêmes locaux, la locataire n’ayant jamais quitté les lieux ni rendu les clefs à l’expiration de chaque période renouvelée pour la même période, il en déduit que le délai de prescription de l’action a commencé à courir à compter du 9 novembre 2009, date de conclusion du premier contrat entre les parties.
En statuant ainsi, alors que la locataire demandait la requalification du dernier contrat conclu entre les parties, en sorte que le point de départ de la prescription de son action courait à compter du 1er novembre 2014, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 mars 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Condamne la commune X aux dépens ;
En application de l’article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande de la commune de [Localité 1] et la condamne à payer 3.000 euros à la société La Mangeoire.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé.
