Cour de cassation
Chambre civile 3
15 décembre 2022
N° 22-17505
Question prioritaire de constitutionnalité
Par mémoire spécial présenté le 10 octobre 2022 par la Scp Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Noo Wok, dont le siège est [Adresse 2], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du pourvoi n° H 22-17.505 formé contre l’arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d’appel de Versailles (16e chambre), dans une instance l’opposant :
1°/ à la commune de Colombes, représentée par son maire en exercice,
2°/ à la société Hsbc Continental Europe
3°/ à la Sci du Val,
4°/ aux époux K
Faits et procédure
Par jugement d’adjudication du 16 mai 2019, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Hsbc France, devenue la société Hsbc Continental Europe, contre M. et Mme K, propriétaires d’un local commercial donné à bail à la société Noo Wok (la locataire), le local loué a été adjugé à la société civile immobilière du Val (la Sci).
Le 29 mai 2019, la locataire a déclaré exercer son droit de «préemption» sur le local adjugé.
La commune de Colombes ayant, le 6 juin 2019, déclaré exercer son droit de préemption urbain, la locataire a demandé au juge de l’exécution de juger irrégulière cette déclaration intervenue postérieurement à la sienne et d’être déclarée adjudicataire au lieu et place de la Sci.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
A l’occasion du pourvoi qu’elle a formé contre l’arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d’appel de Versailles, la locataire a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : «L’article L. 145-46-1 du Code de commerce est-il conforme à la Constitution et au bloc de constitutionnalité, notamment à la liberté d’entreprendre protégée par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789, au principe d’égalité garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, et les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ce qu’il prévoit d’accorder au locataire d’un local à usage commercial ou artisanal le bénéfice d’un droit de préemption seulement lorsque le propriétaire envisage de vendre ce local et non en cas de vente forcée dudit local sur adjudication ?»
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
La disposition contestée, qui intègre la portée que lui a donnée la Cour de cassation (3e Civ., 17 mai 2018, pourvoi n° 17-16.113, Bull. 2018, III, n° 51), est applicable au litige et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
Cependant, d’une part, la question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.
D’autre part, en premier lieu, cette question, en ce qu’elle invoque une atteinte au principe d’égalité, ne présente pas un caractère sérieux.
En effet, le cas où le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de le vendre se distingue de celui de la vente par adjudication.
La différence de traitement entre ces deux opérations, qui est en rapport avec l’objet de la loi, repose donc sur une différence de situation.
En second lieu, la question posée ne présente pas davantage un caractère sérieux en ce qu’elle invoque une atteinte à la liberté d’entreprendre.
En effet, l’exercice de la liberté d’entreprendre n’implique aucun droit d’acquérir le bien loué dans lequel est exercé une activité commerciale ou artisanale, de sorte qu’aucune atteinte à la liberté d’entreprendre du locataire à bail commercial n’a été portée par le législateur en limitant le champ d’application de son droit de préférence à certaines catégories de ventes.
Au surplus, en application de l’article L. 322-7 du Code des procédures civiles d’exécution, le locataire peut, comme toute personne, se porter enchérisseur s’il justifie de garanties de paiement.
En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Par ces motifs, la Cour :
Dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
