Cour de cassation
Chambre civile 3,
N° 20-40059
10 décembre 2020
Le tribunal judiciaire de Paris a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 17 septembre 2020, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 23 septembre 2020, dans l’instance mettant en cause :
D’une part,
La société Compagnie du Grand Hôtel de Malte, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
D’autre part,
La société Malte Opéra, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
Le dossier a été communiqué au procureur général.
(…)
La troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du Code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
La société Malte Opéra est locataire d’un immeuble à usage d’hôtel appartenant à la société Compagnie du Grand Hôtel de Malte et situé à Paris.
Par acte du 5 septembre 2016, la bailleresse a refusé le renouvellement du bail et offert à la locataire le paiement d’une indemnité d’éviction.
Après dépôt d’un rapport d’expertise judiciaire, la société Malte Opéra a assigné la société Compagnie du Grand Hôtel de Malte en fixation du montant de cette indemnité.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a transmis la question prioritaire de constitutionnalité suivante : «L’article L. 145-14 du Code de commerce est-il conforme à la Constitution et au bloc de constitutionnalité, précisément au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, à la liberté contractuelle garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, à la liberté d’entreprendre protégée par l’article 4 du Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, au principe d’égalité garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et respecte-t-il la compétence réservée à la loi par la Constitution de 1958 ?»
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
La disposition contestée est applicable au litige.
Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
La question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle. Cette question présente un caractère sérieux en ce que, en retenant que l’indemnité d’éviction doit notamment comprendre la valeur vénale du fonds de commerce défini selon les usages de la profession sans prévoir de plafond, de sorte que le montant de l’indemnité d’éviction pourrait dépasser la valeur vénale de l’immeuble, la disposition contestée est susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur.
En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Par ces motifs, la Cour :
Renvoie au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
