L’affaire est entendue : s’ils ne sont pas encadrés par le règlement local de publicité, les écrans digitaux à l’intérieur des vitrines échappent toujours à toute restriction… Mais, au-delà, le transfert de compétences en matière de «police» de la publicité qu’organise la loi Climat au 1er janvier 2024, n’est pas qu’une manière d’étouffer ce sujet brûlant. Les retirer au préfet, sauf bâtiments publics, pour les donner aux maires, c’est aussi une façon traiter la question au plus près du terrain. Une sorte de cadeau fait à la décentralisation – qui peut toujours réserver des surprises.
Par Mes Elsa Sacksick et Lucie Montanari (Adden)
A l’image de toutes les libertés fondamentales, la liberté du commerce et de l’industrie connaît des limites pouvant être établies par le pouvoir règlementaire. Tel est le cas du commerçant devant respecter des prescriptions concernant ses enseignes, pré-enseignes et la publicité.
La publicité, au sens du Code de l’environnement, correspond à «toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention» ainsi que les dispositifs dont le principal objet est de les recevoir (article L. 581-3 1° du Code de l’environnement). Les enseignes consistent en «toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce» et les pré-enseignes en «toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée» (article L. 581-3, 2° et 3° du Code de l’environnement).
Ces prescriptions font l’objet d’un partage de compétence entre le préfet et les autorités locales.
Fixées par le Règlement national de publicité, les prescriptions applicables à la publicité, aux enseignes et pré-enseignes ont été réformées par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite loi Grenelle II, applicable depuis le 1er juillet 2012. Un Règlement national de publicité est intégré dans le Code de l’environnement. Il peut être relayé localement et plus restrictivement dans un règlement local de publicité. Par ce règlement, le maire ou le président de l’établissement public local peut fixer les conditions d’installation des enseignes, pré-enseignes et de la publicité ainsi que de la publicité et des enseignes lumineuses (article L. 581-14 du Code de l’environnement).
Toutefois, ce transfert n’a été que partiel puisque le préfet est demeuré l’autorité de police de la publicité (article L. 581-14-2 du Code de l’environnement). Par exception, si la commune était couverte par un règlement local de publicité, municipal ou intercommunal, le maire, ou le cas échéant le président de l’établissement public de coopération intercommunal, était compétent de sorte que le préfet ne conservait qu’un pouvoir de substitution en cas de carence.
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le réchauffement climatique et résilience face à ses effets, dite «Climat» vient généraliser le transfert de la compétence de la police de la publicité au profit du maire (1).
Cette décentralisation n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2024, sous réserve qu’une compensation financière soit votée par la loi de finance au titre de l’article 72-2 de la Constitution.
Décentralisation du pouvoir de police de la publicité
Il résulte du nouvel article L. 581-3-1 du Code de l’environnement que le maire exerce, au nom de la commune, la police de la publicité.
En cas de PLUi (et RLPi), ou d’une commune qui comprend moins de 3 500 habitants, alors le président de l’établissement public de coopération intercommunale bénéficie du transfert des pouvoirs de police en matière de publicité (article L.5211-9-2 du CGCT).
A titre transitoire, et dans les six mois de l’entrée en vigueur de l’article 17 de la loi, c’est-à-dire jusqu’au 31 juillet 2024, l’établissement public de coopération intercommunal compétent peut s’opposer au transfert et le maire peut, jusqu’à un mois après la fi n du délai précité soit avant le 1er septembre 2024, renoncer au transfert de plein droit. En outre, le renvoi à l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (Cgct) ouvre aux maires une faculté de s’opposer au transfert de compétence au bénéfice de l’établissement public de coopération intercommunal, cette opposition n’affecte pas les autres membres de l’établissement public. On retrouve ici le dispositif mis en place lors de l’instauration du principe du caractère intercommunal du PLU.
Enfin, pour ce qui concerne la métropole de Lyon, le président du conseil exerce le pouvoir de police sans qu’une substitution du préfet ne soit possible (article L. 3642-2 du CGCT).
La compétence de substitution du préfet n’a pas définitivement disparu, celui-ci demeure compétent en cas de carence du maire pour interdire des publicités sur des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque (article L. 581-4, II du Code de l’environnement) et pour déterminer les emplacements nécessaires à l’affichage d’opinion et à la publicité relative aux activités des associations sans but lucratif (article L. 581-13 du Code de l’environnement).
En revanche, le préfet n’est plus compétent pour autoriser des dispositifs de publicité, enseigne et pré-enseigne (articles L. 581-9 et L. 581-18 du code de l’environnement), prononcer des amendes (article L. 581-26 du Code de l’environnement) et enjoindre le retrait ou la mise en conformité d’un dispositif irrégulier ou ordonner la suppression d’office d’une publicité irrégulière (article L. 581-28 et L. 581-29 du Code de l’environnement). Le maire deviendra ainsi, à compter du 1er janvier 2024, date d’entrée en vigueur de l’article 17 précité, la seule autorité compétente pour mettre en œuvre ces prérogatives.
Nouvel encadrement des vitrines des locaux commerciaux
La loi n° 2021-1104 du 22 août dite «Climat» admet que les vitrines des locaux à usage commerciaux soient soumises à de nouvelles restrictions. Il s’agit là d’une dérogation au principe en vertu duquel les dispositions portant sur la publicité, les enseignes et les pré-enseignes dont l’utilisation ne constitue pas principalement celle d’un support de publicité, ne s’appliquent pas aux dispositifs de publicité, enseigne et pré-enseigne situés à l’intérieur d’un local (article L. 581-2 du Code de l’environnement).
Ainsi, dès le 1er octobre 2022, les autorités compétentes pour élaborer le règlement local de publicité pourront encadrer les publicités et enseignes lumineuses situées à l’intérieur des vitrines ou des baies d’un local à usage commercial, même s’il n’est pas principalement utilisé comme support de publicité, et destinées à être visibles depuis la rue (article L. 581-14-4 du Code de l’environnement). A ce titre, le règlement peut définir des prescriptions relatives aux horaires d’extinction, à la surface, à la consommation énergétique et à la prévention des nuisances lumineuses.
Sans règle spécifique en ce sens dans un règlement local de publicité (Rlp), cette législation continue de ne pas s’appliquer pour les dispositifs situés dans les vitrines des magasins. C’est encore une façon de décentraliser le sujet. Par exception, les publicités et enseignes lumineuses installées antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement local de publicité et incompatibles avec les nouvelles prescriptions devront être changées au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur du nouveau Rlp (article L. 581-43 du Code de l’environnement).
Note
1. JOAN (C.R.) 2 avr. 2021, p. 3508, n° 46, amendements nos 3191, 2369 et 3688.
