Une clause de recours préalable à une mesure alternative des règlements des conflits ne se rédige pas sur un coin de table. C’est un instrument de précision. Son manque d’interprétation a valu à Val d’Europe Food de voir fixer par le juge un loyer de renouvellement qu’il pensait devoir être tout bonnement négocié. Las, la clause en question se bornait à indiquer qu’en absence d’accord amiable, il serait fixé judiciairement. Ce qui n’est pas du tout la même chose…
Par Me Olivier Jacquin, avocat à la Cour (Jacquin-Maruani & Associés)
Que le temps judiciaire est long ! … Surtout depuis l’inflation des contentieux engorgeant les juridictions, qui peinent à respecter les dates de délibérés, au risque d’en altérer la motivation. Aujourd’hui, l’aléa judiciaire est plus présent que jamais. Pour éviter cette insécurité, de plus en plus de justiciables prévoient l’insertion de clauses préalables de conciliation dans les contrats.
En matière de bail commercial, les clauses de recours préalable à la médiation ou à la conciliation sont de plus en plus fréquentes et ont été déclarées valables depuis fort longtemps (Cass. Ch. Mixte, 14 février 2003, n° 00-19423, Jurisdata n° 2003-017812). Ces clauses peuvent prévoir un recours facultatif ou obligatoire à de telles mesures alternatives de résolution des litiges, et prévoir les sanctions en cas de non-respect de ces clauses par l’une ou l’autre des parties (sur délais de prescription, de forclusion, etc.).
Il en est de même des échanges pour la confidentialité.
Vous l’aurez compris, la rédaction d’une clause de recours préalable à une mesure alternative des règlements des conflits ne se rédige pas sur un «coin de table» et nécessite une certaine rigueur chirurgicale et pédagogique pour éviter un désagrément judiciaire. Les articles 1528 et suivants du Code de procédure civile décrivent les modalités de saisine du conciliateur et les conditions de forme que doivent prévoir ces clauses.
Aux termes d’un arrêt publié, rendu le 17 juin 2021, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler l’importance d’une précision rédactionnelle (Cass. Civ. 3e, 17 juin 2021, 20-12844).
Dans cette affaire, un bailleur avait signifié à son preneur un congé comportant offre de renouvellement et lui proposait un nouveau loyer que ce dernier refusait de voir appliqué.
Ainsi, le bailleur a naturellement saisi le juge des loyers commerciaux aux fins de voir fixer le montant du loyer de renouvellement. Le preneur sollicitait alors l’irrecevabilité de la demande du bailleur, en ce que le bail stipulait que «les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé sera fixé un commun accord entre elles» et «à défaut d’accord amiable, les parties décident, dès à présent, de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative».
Selon le preneur, cette clause donnait l’obligation aux parties de rechercher une solution amiable.
La Cour de cassation a naturellement rejeté le pourvoi du preneur, rappelant que l’article précité se bornait à préciser que le montant du loyer de renouvellement sera fixé judiciairement en l’absence d’accord amiable entre les parties, «sans instaurer une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge».
Cette motivation est conforme non seulement aux prescriptions imposées par les articles 1528 et suivants du Code de procédure civile, mais aussi aux décisions rendues jusqu’alors sur le sujet (Cass. Civ., 11 juillet 2019, n° 18-13460, jurisdata n° 2019-014366).
Pour ceux que cela intéresse, une proposition de rédaction de clause de conciliation, faite par le docteur Jacques Lafond, est disponible dans la revue «Loyers et Copropriété» d’avril 2021, n° 4, pages 35/36.
> Lire l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 17 juin 2021
