Tribunal administratif de Marseille
Deuxième chambre
Décision du 6 mai 2024
N° 2009924
Association «En toute franchise»
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020, l’association «En toute franchise» du département des Bouches-du-Rhône demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d’exercer les pouvoirs prévus à l’article L. 752-23 du Code de commerce et de constater l’exploitation illicite de la surface de vente des magasins exploités sous l’enseigne «Grand Frais-Marie Blachère» ;
2°) d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de faire constater l’infraction aux articles L. 752-1 et suivant du Code du commerce et de mettre en demeure l’exploitant de fermer au public les surfaces de vente exploitées illégalement, dans un délai de trois mois à compter de la transmission du constat d’infraction et, à défaut, de prendre un arrêté ordonnant, dans un délai de quinze jours, la fermeture au public des surfaces de vente exploitées illicitement, jusqu’à régularisation effective ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2.000 euros en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que la décision attaquée méconnaît les articles L. 752-1 à L. 752-3 du Code du commerce dès lors que l’enseigne «Grand Frais-Marie Blachère» est réunie avec d’autres commerces sur un même site, bénéficie d’aménagements communs au site «Plan-de-Campagne» et d’une gestion commune, notamment publicitaire. N° 2009924 2
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par l’association requérante ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à la société «Grand Frais-Marie Blachère» le 2 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le Code du commerce ;
– le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
(…)
Considérant ce qui suit :
Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 26 août 2016, le maire de la commune des Pennes-Mirabeau a délivré un permis de construire à la Sci Gfdi 78 pour la construction d’un ensemble commercial composé d’un magasin d’alimentation «Grand Frais» et d’une boulangerie «Marie Blachère». L’association «En toute franchise» du département des Bouches-du-Rhône a, le 15 janvier 2020, demandé au préfet des Bouches-du-Rhône d’exercer les pouvoirs prévus à l’article L. 752-23 du Code de commerce et de constater l’exploitation illicite des surfaces de vente de ces enseignes. Par la présente requête, elle demande au tribunal d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande par le préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur les conclusions à fin d’annulation
Aux termes de l’article L. 752-1 du Code de commerce : «Sont soumis à une autorisation d’exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (…) 5° L’extension de la surface de vente d’un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1.000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ; (…)». L’article L. 752-3 du même code dispose que : «I. – Sont regardés comme faisant partie d’un même ensemble commercial, qu’ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu’une même personne en soit ou non le propriétaire ou l’exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : / 1° Soit ont été conçus dans le cadre d’une même opération d’aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ;
/ 2° Soit bénéficient d’aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l’accès des divers établissements ;
/ 3° Soit font l’objet d’une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l’utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ;
/ 4° Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l’article L. 233-16 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun».
Il ressort des pièces du dossier que le plan de situation de la zone commerciale «Plan-de-Campagne», publié par cette entité, recense de nombreux magasins, dont les enseignes «Grand Frais» et «Marie Blachère», sur une zone étendue. Ce plan mentionne ainsi des magasins situés à l’Ouest de l’autoroute A51 mais également à l’Est, en particulier autour de la route de Calas, route départementale D R43, laquelle passe sous l’autoroute et effectue une liaison rapide avec la partie située de l’autre côté de l’autoroute. Compte tenu des pièces du dossier et de l’étendue de la zone de Plan de campagne, les magasins «Grand Frais» et «Marie Blachère» qui, comme indiqués ci-avant, sont mentionnés sur le site de Plan-de-Campagne, doivent être regardés comme étant situés sur le même site au sens des dispositions mentionnées au point précédant. Par ailleurs, il ressort des différents éléments transmis au dossier que «Plan- de-Campagne» a émis des informations relatives à l’ouverture de ces deux magasins durant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 et que des publicités directionnelles sont physiquement présentes sur le site de Plan-de-Campagne pour indiquer leur emplacement. Dans ces conditions, les magasins «Grand Frais – Marie Blachère» doivent être regardés comme faisant partie de l’ensemble commercial de Plan-de-Campagne et leur ouverture nécessitait dès lors une autorisation d’exploitation commerciale. Par suite, l’association requérante est fondée à soutenir qu’en refusant d’exercer les pouvoirs prévus à l’article L. 752-23 du Code de commerce et de constater l’exploitation illicite de la surface de vente de ces deux enseignes, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de droit. Il s’ensuit que la décision par laquelle le préfet a implicitement rejeté sa demande présentée le 15 janvier 2020 doit être annulée.
Sur les conclusions à fin d’injonction
Aux termes de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution».
Il y a lieu d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de faire constater l’exploitation illicite de la surface de vente des magasins exploités sous l’enseigne «Grand Frais-Marie Blachère», de mettre en demeure l’exploitant de fermer les surfaces de vente exploitées illégalement et, à défaut, de prendre un arrêté ordonnant la fermeture au public des surfaces de vente exploitées illicitement, jusqu’à régularisation effective en application de l’article L. 752-23 du Code du commerce, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement. Il appartiendra à la requérante, le cas échéant, si elle estime insuffisantes les mesures prises par l’administration en application de la présente injonction, de saisir la juridiction d’une demande d’exécution en application de l’article L. 911-4 du Code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige
Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État une somme de 1.500 euros à verser à l’association «En toute franchise» du département des Bouches-du-Rhône en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Décide :
Article 1er : La décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de mettre en demeure l’exploitant des enseignes «Grand Frais» et «Marie Blachère» de fermer les surfaces illégalement exploitées au sein du centre commercial Plan-de-Campagne est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de faire constater l’exploitation illicite des surfaces de vente, de mettre en demeure l’exploitant actuel de fermer les surfaces de vente exploitées illégalement et, à défaut, de prendre un arrêté ordonnant la fermeture au public des surfaces de vente exploitées illicitement, jusqu’à régularisation effective, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L’État versera une somme de 1.500 euros à l’association «En toute franchise» du département des Bouches-du-Rhône en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’association «En toute franchise» du département des Bouches-du-Rhône, à la société «Grand Frais-Marie Blachère» et au préfet des Bouches-du-Rhône.
