Un projet de loi Simplification désormais caduc : REQUIEM POUR LA MENSUALISATION DES LOYERS COMMERCIAUX

Pascal Jacquot

C’est peu dire qu’il y avait de l’entrain et de la bonne humeur. La mensualisation des loyers de commerce avait même été évoquée avant que les bailleurs n’aient l’assurance de quelque contrepartie que ce soit. L’Alliance, Procos, la Fff d’un côté ; la Fact, l’Unpi de l’autre : locataires et propriétaires, tout le monde y avaient mis du sien. L’Histoire en a décidé autrement. La flambée populiste a ramené le bon peuple qu’elle prétend défendre à sa juste place : l’obéissance à ses hauts dirigeants. Fût-ce de gré à gré, l’accord lui-même ne vaut plus rien. Tout ça pour ça ! Voici, comme un Radeau de la méduse, le tableau juridique d’une poignée de main naufragée… 

Par Me Pascal Jacquot, avocat au barreau de Paris (Fidal)

Sur la base de l’article 12 de la Constitution de 1958, le chef de l’Etat a annoncé dimanche soir 9 juin 2024 la dissolution de l’Assemblée nationale. Cette décision entraîne la suspension immédiate de ses travaux. Dès la publication ce 10 juin du décret de dissolution, les députés cessent d’être élus : les textes non adoptés – en séance plénière ou en commission – sont présumés caducs.

Certes, le projet de loi de Simplification de l’activité économique était en cours de discussion au Sénat. Mais, la tradition républicaine veut que la Chambre haute n’examine pas de texte quand la Chambre basse est dissoute. Il faut dire qu’il est vain que le texte puisse être adopté au Sénat, si l’Assemblée nationale ne peut plus l’examiner et le voter à son tour.

En conséquence, l’article 24 de ce projet relatif à la mensualisation des loyers commerciaux et au plafonnement des dépôts de garantie est mort, sinon enterré puisque les projets de loi peuvent en théorie reprendre sous la législature suivante, à condition d’être (re)présentés par le nouveau gouvernement. Cela ne s’est cependant jamais produit à l’issue des cinq dissolutions précédemment décidées sous notre Constitution (1962, 1968, 1981, 1988 et 1997).

Faute de loi, l’accord signé par des associations de locataires et de propriétaires (à l’exception notable de la Fédération des entreprises immobilières, Fei ex-Fsif) le 30 mai 2024 pourrait-elle cependant fonder une telle demande, au moins des adhérents des fédérations signataires ? Certes, le plafonnement des dépôts de garantie était prévu pour ne s’appliquer qu’aux «baux conclus à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi de simplification» et ne sera donc jamais effectif. Mais, la mensualisation nous dit l’accord «est acquise de manière irrévocable dès lors que le locataire est à jour, à la date de sa demande, du paiement des loyers et des charges, à l’exception de celles ayant déjà fait l’objet d’une contestation préalable».

Las : le protocole prévoit aussi «un second principe» lequel est stipulé «indivisible» du premier quant à la mensualisation des loyers et au plafonnement des dépôts de garantie : «nulle partie signataire, ni aucun de ses adhérents ou membres, ne pourront se prévaloir de la mise en œuvre d’un de ces principes sans que l’autre soit également mis en œuvre» nous dit l’accord. Or, ce second principe consiste à modifier tant les délais de paiement octroyés par un Juge que le délai de restitution des clés par un liquidateur judiciaire… lesquels délais sont d’origine légale et ne peuvent donc être modifiés que par une loi… Qui ne sera donc pas adoptée comme on l’a vu.

Faute de second principe applicable, le premier ne peut donc pas prospérer, nous dit la lettre du texte. Mais, l’esprit ayant conduit à cette mesure nécessaire à un commerce en grande souffrance ne peut-il pas subsister ? Souhaitons que le remarquable esprit de concertation et d’ouverture dont cet accord fut le premier résultat puisse perdurer au-delà des vicissitudes de notre vie politique !


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TRIBUNE LIBRE / DROIT AU BAIL


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